La première action du FN municipal sera donc symbolique : il s'agira de garantir, ou de rétablir s'ils ont été supprimés, des menus avec porc dans les cantines scolaires.
Marine Le Pen l'a annoncé sur RTL, vendredi 4 avril. « Nous n'accepterons aucune exigence religieuse dans les menus des écoles. Il n'y a aucune raison pour que le religieux entre dans la sphère publique, c'est la loi. » Pour la chef de file du Front national : il s'agit de « sauver la laïcité qui est en très grave difficulté ». Car, explique Mme Le Pen, « fermer les yeux sur les violations de la laïcité, c'est dans l'esprit de beaucoup de maires UMP et PS s'associer la bienveillance de communautés ».
Problème : tout cela est faux. Reprenons. Marine Le Pen dénonce le fait que des cantines scolaires puissent ne plus utiliser de porc dans leurs menus afin d'en simplifier la préparation. Une version allégée de ses arguments d'il y a quelques mois sur le « halal » dans les cantines, qui étaient déjà en grande partie fantasmés. Le porc est-il « interdit » dans les cantines scolaires de manière massive ? Absolument pas. On compte 19 000 communes qui ont un service de restauration scolaire. Sur ce total, près de 80 % fait appel à des cuisines centrales qui livrent des repas dans plusieurs structures, seuls les 20 % restant préparant les repas sur place.
En 2013, un rapport sur l'accessibilité des cantines scolaires a été publié par le défenseur des droits, Dominique Baudis. Si ce rapport a depuis été cité, notamment au sujet du porc dans les menus, il y est cependant noté que « cette question [du porc] n'est pas apparue comme une question prioritaire à travers les témoignages reçus par le défenseur des droits ». Voici ce qu'il disait : « La plupart de ces témoignages exprimaient un simple souhait de repas sans viande et, dans de rares cas, la mise en place de menus hallal. Certains revendiquaient par exemple un plat de substitution à la viande, ou, plus simplement, la possibilité d'avoir connaissance à l'avance du menu afin de prévoir les jours de présence de l'enfant. Dans les faits, la plupart des cantines scolaires proposent, de longue date, des plats de substitution à la viande de porc, tout en servant du poisson le vendredi, pratique qui n'a pas été remise en cause par le juge ».
On l'a vu, la question est avant tout économique : les petites communes qui n'ont pas les moyens de produire des repas de substitution, le plus souvent car elles préparent des petites quantités de repas, ont deux choix : imposer du porc sans autre plat de remplacement, et laisser le soin aux parents de gérer la question, avec le risque de ne pas offrir des menus comportant suffisamment de protéines à certains enfants ; ou ne plus servir de porc. Tel est l'argument avancé par les maires qui ont mis en place ces pratiques.
Que dit Marine Le Pen ? Si on résume, elle explique que les mairies FN ne feront pas le choix d'abandonner le porc, dans l'hypothèse où il faudrait se passer de plats de substitution. Mais le jour-même de cette déclaration, la mairie de Fréjus (Var) a fait savoir que le cas ne se présentera sans doute jamais. « Il y a toujours eu deux menus dans les cantines : l'un avec porc, l'autre sans porc pour ceux qui ne désirent pas en consommer.
Naturellement, cette possibilité sera préservée dans les cantines de Fréjus, l'essentiel étant que la liberté de chacun soit préservée ». Or la question n'a rien de nouveau, l'immense majorité des cantines propose des plats de substitution depuis des décennies, et aucune organisation religieuse n'a fait récemment de demande particulière sur ce sujet.
Bref, si Mme Le Pen voulait lancer une polémique, elle a quelque peu raté son coup.