~~Les mardis de la majorité se suivent et ne se ressemblent pas. Juste avant son discours de politique générale, la semaine dernière, Manuel Valls était venu brosser les députés socialistes dans le sens du poil lors de leur réunion de groupe, promettant la main sur le cœur une refondation de la méthode de travail entre exécutif et Parlement, après deux années chaotiques. «Rien n’est possible sans l’écoute et le dialogue, martelait-il dans l’hémicycle, soucieux d’apaiser la centaine de frondeurs identifiée.
«À l’envers». Las. Sept jours plus tard, la confiance votée largement au Premier ministre n’est qu’un lointain souvenir. Les signataires de l’appel pour un «nouveau contrat de majorité» ont constaté hier son état de mort clinique, lors de la réunion de groupe à huis clos. «Il n’est pas respecté, puisque le Parlement n’est pas associé au "pacte de responsabilité" et n’est pas au courant de ce qui se décide» en politique macroéconomique, a déploré le député de la Nièvre Christian Paul devant le nouveau secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen. Qui, pour ce premier contact depuis sa nomination, a pris les députés «à l’envers», dixit un participant, en appelant les socialistes à mettre fin aux «mesquineries pour faire de la politique». Après des municipales marquées par une forte abstention de gauche, les députés ont cru entendre le chef de l’Etat desserrer un poil l’étau budgétaire européen. Un espoir entretenu la semaine dernière par les ambiguïtés du Premier ministre et de son ministre des Finances, laissant penser qu’ils pourraient demander à la Commission un assouplissement de la règle européenne des 3% de déficits publics.
«Dingue». Mais, depuis quarante-huit heures, les déclarations de Manuel Valls et de Michel Sapin ont eu l’effet d’une grosse douche froide sur les troupes socialistes. Surtout que le second a été obligé de reconnaître hier que Paris n’avait rien demandé du tout à Bruxelles (lire ci-contre). «En gros, il ne leur a pas fallu une semaine pour nous entuber», s’étrangle un pilier de l’Assemblée. Promu ministre de l’Economie il y a quinze jours et tenant d’une ligne dure contre les «diktats» européens, Arnaud Montebourg «est comme un dingue», rapporte un de ses proches.
«Méprisés». Le scepticisme des parlementaires est alimenté par ce qui ressemble au mieux à un atermoiement et au pire à un reniement du couple exécutif : le débat sur la trajectoire des finances publiques 2015-2017 ne figure plus à l’agenda parlementaire. Et ce après avoir été repoussé d’une semaine par Manuel Valls, puis envisagé le 29 avril, dans la foulée de sa présentation en Conseil des ministres le 23. Cette dernière date était, hier, «toujours d’actualité», assurait-on à l’Elysée. La semaine prochaine, les députés seront en vacances de Pâques. Mais, à leur retour, «la mer ne sera pas calme» avec ce programme triennal et la préparation du projet de loi de finances rectificative promis pour juin par Valls, prédit un pilier de la majorité qui complète : «Cela fait deux ans que les députés se sentent méprisés, ignorés et là, d’emblée, ils se font caporaliser !»
Premier signal envoyé par le groupe socialiste à l’exécutif, la nomination de Valérie Rabault au poste de rapporteure générale du Budget - un rouage clé pour un gouvernement à la recherche de 50 milliards d’économies. A l’unanimité, puisque le candidat pressenti par le gouvernement, Dominique Lefebvre, a préféré retirer sa candidature devant le peu d’enthousiasme qu’elle suscitait. Or, la députée du Tarn-et-Garonne, quadragénaire et première femme à accéder à ce poste à l’Assemblée, incarne la ligne critique - «disons plutôt "exigeante"», adoucit un de ses proches - vis-à-vis de l’exécutif. Rancœur. Situation inédite depuis le début du quinquennat, c’est bien contre le Président en personne que les socialistes en ont aujourd’hui. La déroute électorale des municipales laisse des centaines de cadres sur le bord de la route, avec le temps de remugler leur rancœur contre l’homme qui a tourné le dos à l’espoir du Bourget, s’est «laissé enfermer» dans un dialogue exclusif avec le patronat et fait une politique de «drôche», mot-valise composé de droite et gauche. «Les militants ont tout perdu en deux ans : leur ancrage et leur job. Ils sont en train de réaliser que la défaite [aux municipales] n’est pas de leur faute», explique un ancien ministre. Résultat des courses : «Ils haïssent plus Hollande que les Français, en ce moment.»
D’autant que, en remaniant le gouvernement, l’Elysée et le Parti socialiste, François Hollande «a tiré ses dernières cartouches, il n’y aura pas de deuxième chance au grattage», reconnaît un «lignard», comme on surnomme dans la majorité ces députés connus pour leur soutien à l’exécutif et qui ont voté les yeux fermés la confiance la semaine dernière.