Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS)
La création des agences régionales de santé(ARS) est le fruit d’une longue évolution administrative, débutée dans les années 1970 avec la carte sanitaire. Toutefois, la loi HPST a mis en oeuvre une réforme d’une ampleur inédite. En regroupant sept services ou organismes de statuts divers dans un unique établissement public, elle visait trois objectifs principaux :
Garantir davantage d’efficience, notamment pour assurer le respect de l’Ondam
Renforcer la territorialisation des politiques sanitaires ;
Assurer le décloisonnement des prises en charge.
Des compétences - de portée inégale – ont été transférées aux ARS en matière ambulatoire, hospitalière, médico-sociale, de santé publique et de veille et sécurité sanitaires. La Mecss a souhaité dresser un premier bilan du fonctionnement des ARS et proposer des pistes d’évolution.
Elle a d’abord constaté que les missions de service public qui ont été transférées aux agences ont été remplies sans rupture. Les agences ont été installées rapidement et ont toutes adopté leur projet régional de santé dans des délais contraints.
Ces documents, très volumineux et difficiles d’accès, gagneraient d’ailleurs à être recentrés sur des priorités plus stratégiques et devront être révisés dans le cadre de procédures simplifiées. Une précipitation certaine a prévalu dans cette phase de démarrage qui explique en partie les difficultés rencontrées aujourd’hui. C’est par exemple le cas en matière de ressources humaines, où le changement profond n’a pas été expliqué aux agents. Ceux-ci n’ont pas été accompagnés dans le processus de réforme dont ils constituent pourtant la cheville ouvrière.
Plus globalement, toutes les conséquences de la création des ARS n’ont pas été tirées : - l’administration centrale n’a pas été réformée et n’a pas modifié ses méthodes de travail qui reposent encore trop sur une vision prescriptive, voire tatillonne, au détriment de la fixation d’objectifs stratégiques à remplir par l’échelon territorial ;
- l’équilibre des pouvoirs autour du directeur général de l’ARS n’a pas été atteint, tant en interne que vis-à-vis de l’extérieur. Il est ainsi nécessaire de donner plus de compétences au conseil de surveillance et faire vivre la démocratie sanitaire de manière indépendante. Les élus doivent également être mieux impliqués, en amont, dans la concertation et la préparation des décisions.
La Mecss tire un enseignement général de la mise en place des ARS : la nécessité de faire confiance aux acteurs qui sont le plus proche du terrain. Cette subsidiarité concerne à la fois les administrations centrales dans leurs relations avec les ARS mais aussi les ARS dans leurs relations avec leurs partenaires locaux. En s’appuyant sur cette logique, la Mecss a adopté cinq séries de recommandations visant à tirer pleinement les conséquences de la création des ARS sur le pilotage national, la gestion des ressources humaines, l’exercice des missions, la gouvernance et la démocratie sanitaire dans les territoires.
I. – Tirer les conséquences de la création des ARS en réformant l’administration centrale. Toutes les auditions menées par la Mecss, à l’exception de celles des directeurs d’administration centrale, ont révélé des dysfonctionnements dans le pilotage national des politiques sanitaire et médico-sociale. Les administrations continuent de travailler « en tuyaux d’orgues », avec insuffisamment de coordination. Le conseil national de pilotage, qui constitue un élément important de la réforme notamment du fait de la participation des caisses de sécurité sociale, n’a pas encore trouvé sa place : de filtre, il doit aujourd’hui se transformer en catalyseur. La Mecss estime donc nécessaire à la fois une réforme de la structure des directions d’administration centrale mais surtout de leurs méthodes de travail.
II. – Recoudre le lien social à l’intérieur des ARS L’installation « à la hussarde » des nouvelles agences a marqué le climat social pour plusieurs années. Les agents transférés, dont les cultures professionnelles sont très diverses, conservent des statuts différents, ce qui complique sensiblement la gestion des ressources humaines. Le changement de structure a coïncidé avec une évolution souvent profonde des modalités d’exercice des missions. Cette évolution, à laquelle les agents n’ont pas été suffisamment préparés, intervient en outre dans un contexte de réduction du plafond d’emplois. En d’autres termes, les ARS, à peine créées, doivent apprendre à faire mieux avec moins de moyens.
III. – Simplifier et rendre plus efficace l’exercice des missions Les ARS sont dotées d’un champ de compétences très vaste : soins de ville ; secteurs hospitalier et médico-social ; santé publique et prévention ; sécurité et veille sanitaires. Toutefois, elles ne disposent pas des mêmes capacités d’action selon ces différents secteurs, ce qui limite naturellement l’objectif de décloisonnement et la possibilité de réfléchir en termes de parcours de santé ou de prise en charge globale d’une personne. En outre, les ARS doivent disposer de plus de moyens d’action sur les soins de ville, en particulier en termes financiers. Pour cela, une réflexion doit être menée, en vue de la prochaine loi relative à la stratégie nationale de santé, sur la dichotomie persistante entre l’Etat et l’assurance maladie.
IV. – Démocratiser la gouvernance et accroître la transparence Selon les auditions menées par la Mecss, l’appréciation portée sur les actions de l’agence dépend de manière sensible de la personnalité de son directeur général. Pour s’extraire de cette logique, un meilleur équilibre des pouvoirs doit être recherché, tant dans la gestion interne que dans la composition et le rôle du conseil de surveillance. Les décisions doivent être prises plus collégialement et apparaître comme tel.
V. – Affermir la démocratie sanitaire La démocratie sanitaire est une idée encore récente et toujours intimement liée à certaines crises. Dorénavant, elle doit pleinement s’affermir, tant au niveau national que dans les territoires et dans les établissements de santé et médico-sociaux. Dans le cadre d’un rapport sur les ARS, la Mecss ne formule des propositions que sur l’une des facettes de la démocratie sanitaire, à savoir les conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA) et les conférences de territoire.
La Mecss souhaite renforcer leur autonomie et leur capacité délibérative, tout en rationalisant les structures pour éviter les doublons.
• Fournir aux CRSA les moyens d’exercer leurs compétences de manière indépendante :
- assurer la formation de leurs membres ;
- leur attribuer un budget global, géré de manière autonome ;
- désigner les représentants au plus près des territoires.
• Conforter leur mission d’organisation de débats publics, notamment en élargissant le champ des débats à l’ensemble des compétences des ARS (y compris le médico-social).
• Alléger les obligations réglementaires des CRSA pour qu’elles s’organisent plus librement et plus simplement.
• Fixer des délais minimums d’examen et de consultation pour les avis qu’elles doivent rendre.
• Evaluer l’intérêt des conférences de territoire :
- conduire une étude précise sur le rapport coût/bénéfice de ces structures, notamment en termes de charge de travail pour les bénévoles ;
- rendre leur constitution facultative mais prévoir de les organiser sur les territoires où existent des contrats locaux de santé en articulant leurs travaux avec ceux des CRSA.