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Le blog de Eric de Falco

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conseiller général du 1° canton de Rouen


La gauche a-t-elle oublié la France populaire ?

Publié par Eric de Falco sur 19 Septembre 2014, 06:37am

Les vraies classes populaires, celles de la France périurbaine mais aussi rurale, ne votent plus pour la gauche. Une gauche bobo-diversité qui l’aurait bien mérité, à force d’oublier le peuple au profit des métropoles et des banlieues, affirme Christophe Guilluy, qui, après Fractures françaises en 2010, publie ce mercredi la France périphérique, comment on a sacrifié les classes populaires.Jusque-là rien de très nouveau ni de très polémique.

Mais le propos dérange quand, au nom du peuple et sous couvert d’une étude sociospatiale des inégalités, le géographe articule sa démonstration avec un «constat» clairement ethnicisé et identitaire. Réel contre idéologie bien-pensante, ce credo est aussi porteur que clivant, à coups de formules chocs, comme celles-ci servies au Figaro : «Le multiculturalisme à 5 000 euros, ce n’est pas la même chose qu’à 500 euros par mois.»

D’ouvrage en ouvrage, Christophe Guilluy a pulvérisé l’image d’une France tranquille des pavillons. Et d’une classe moyenne, certes paupérisée, mais qui passait globalement entre les gouttes. Brossant les contours d’une nouvelle géographie sociale, axée sur la notion de «France périphérique», où vit 60% de la population. Ouvriers, employés, commerçants de la petite classe moyenne composent cette France populaire, qui habite les zones désindustrialisées, en grande banlieue pavillonnaire, à Guéret (Creuse) ou à Brignoles (Var).

Ce sont eux qui souffrent : «La question sociale n’est pas circonscrite de l’autre côté du périph, mais de l’autre côté des métropoles, dans les espaces ruraux, les villes moyennes, dans certains espaces périurbains qui rassemblent aujourd’hui près de 80% des classes populaires», affirme Guilluy, qui se pose en porte-voix d’une France déconnectée, privée de services sociaux, de transports collectifs ou d’enseignement de qualité. Dans des zones non ou mal desservies par les services publics, où aller en voiture au travail à 20 km coûte 250 euros par mois - un quart du Smic.

Exclus des grandes villes et des petites couronnes sous la pression immobilière, une partie de ces classes populaires a aussi choisi un certain entre-soi culturel, dans des zones de plus en plus éloignées des centres villes dynamiques et créateurs d’emplois. Dès lors, constate Guilluy, «les catégories populaires, déjà peu mobiles, sont piégées», isolées, décrochées. Dans des territoires objectivement sortis des radars.

. Cette France des oubliés, à laquelle Marine Le Pen semble être la seule à s’adresser, serait «une contre-société qui contredit un modèle mondialisé "hors sol"» au service d’une «machine économique» qui a autant besoin de cadres supérieurs et d’«ouvriers de service», souvent d’origine immigrée. C’est à ces deux seules catégories que profiterait l’économie mondialisée.

«Pour la première fois dans l’Histoire, note Guilluy, les classes populaires ne sont pas là où se créent les richesses : 60% de la population n’habite plus là où cela se passe.»

De la géographie, Guilluy passe volontiers à la politique : «L’émergence d’une nouvelle carte électorale, opposant France des métropoles et France périphérique, accélère l’implosion du système politique.» La France populaire - et majoritaire - qu’il décrit serait abstentionniste ou frontiste. Ce vivier électoral en pleine «insécurité culturelle» tiendrait entre ses mains la recomposition d’une classe politique sourde à ses colères et ses peurs. En milieu populaire, la référence gauche-droite n’est plus opérante depuis au moins deux décennies

Ces nouvelles classes populaires «portent la vague frontiste», partageant «le même refus de la mondialisation et de la société multiculturelle», affirme celui chez qui le déterminisme spatial et électoral est une constante. 

Pour Guilluy, ces fractures territoriales redessinent les clivages partisans : «Le vote pour l’UMP et pour le PS est de plus en plus celui des protégés (retraités et fonctionnaires) ou bénéficiaires (catégories supérieures) de la mondialisation, tandis que l’électorat FN est celui des catégories qui sont […] au front de la mondialisation (ouvriers, employés, chômeurs).»

Seul le vieillissement du corps électoral permet de «maintenir artificiellement un système peu représentatif, les plus de 60 ans étant en effet ceux qui portent massivement leurs suffrages vers les partis de gouvernement.»

Au final, le paradoxe du livre est de vouloir mettre en garde la gauche sur ses impensés, ses abandons coupables, tout en légitimant le discoursidentitaire d’une partie de la droite et de l’extrême droite

Mardi devant les députés, Manuel Valls a évoqué ces «abandonnés de la République», qui «tous essayent comme ils le peuvent de trouver la protection que nous ne savons plus leur offrir».Tenir ces deux bouts, c’est tout l’enjeu pour la gauche.

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