Philippe Val est formel : il n'a songé à prendre la direction de la radio qu'à partir de janvier. Lorsque, au cours d'un déjeuner au Perron, un bon restaurant italien près de Saint-Germain-des-Prés, son grand ami Jean-Luc Hees lui a expliqué pour la première fois : "J'ai envie de postuler à la présidence de Radio France. Si cela marche, viendras-tu à la tête de France Inter ?" Hees et Val se connaissent depuis qu'en 1992 l'ancien correspondant de la station aux Etats-Unis a invité le directeur de la rédaction de Charlie Hebdo dans une émission, puis lui a offert une chronique.
Philippe Val reconnaît avoir alors évoqué l'affaire avec un proche du président de la République et Carla Bruni. "Carla" est une amie depuis 2005. "Elle était d'abord, à l'époque, la femme de mon pote", le philosophe Raphaël Enthoven. Val, ancien chanteur et bon pianiste, partage avec elle des dizaines de soirées à rejouer le répertoire des grandes chansons françaises. Le mariage de la jeune femme avec Nicolas Sarkozy ouvre à Philippe Val l'oreille de l'Elysée. Au conseiller du président, à son épouse, il assure "n'avoir parlé que de Jean-Luc Hees, puisqu'il était convenu que ma venue ne dépendrait, ensuite, que de lui". L'intervention a eu du poids. "Jusqu'alors, Nicolas Sarkozy n'y avait pas songé", assure un proche du chef de l'Etat. Fin février, Hees est effectivement reçu à l'Elysée. L'affaire est faite.
Et Val ? "Je voulais partir de Charlie depuis un an déjà." Depuis que la rupture tonitruante avec le dessinateur Siné, accusé d'antisémitisme par Val à l'été 2008, a fait chuter les ventes de Charlie Hebdo et brisé un bout d'âme dans la rédaction. Inter sera l'ultime normalisation. La fin d'un long divorce aussi, qui résume un pan du grand récit de la gauche française.