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Le blog de Eric de Falco

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conseiller général du 1° canton de Rouen


L’épuisement de la social-démocratie

Publié par Eric de Falco sur 27 Juin 2009, 22:53pm

Catégories : #politique nationale

Par ALAIN DUHAMEL

La défaite humiliante du Parti socialiste aux élections européennes a naturellement des causes spécifiquement nationales : médiocrité insigne d’une campagne mélancolique et décalée, concurrence d’Olivier Besancenot, François Bayrou, puis Daniel Cohn-Bendit qui ont tour à tour concentré l’attention et aimanté les médias (parfois à leur détriment) comme si soudain le PS, pourtant parti dominant de l’opposition, devenait une sorte de figurantl. Autant de facteurs naturellement accentués par le dynamisme entreprenant de Daniel Cohn-Bendit et de Nicolas Sarkozy, ainsi que par l’étrange vocation des élections européennes à bousculer les hiérarchies et à favoriser les non-conformistes. L’échec du PS est donc un échec hexagonal.

C’est aussi, c’est sans doute, surtout une défaite collective, encore plus inquiétante, de la social-démocratie à l’échelle européenne. Les élections du 7 juin ont en effet été marquées par un reflux global et brutal des partis socialistes, qu’ils soient au pouvoir (Grande-Bretagne, Allemagne, Portugal) ou dans l’opposition (France, Italie). Il y a bien sûr, il y a toujours de modestes exceptions (Grèce, Malte). Certains résistent mieux que d’autres (Espagne) ou progressent légèrement (Pologne). Collectivement, le PSE (Parti socialiste européen) qui regroupe tous les partis socialistes de l’Union recule nettement en voix et en sièges chez les pays membres de fraîche date comme dans les Etats fondateurs, en Europe du Nord comme en Europe latine. Malgré la crise, malgré ses responsabilités historiques dans les dérives du capitalisme financier, c’est la droite qui progresse. Tout se passe comme si l’on assistait à un épuisement de la social-démocratie, comme si elle n’avait plus de réponses crédibles à offrir dans les circonstances cruelles que doit affronter le Vieux Continent où elle est née et où, il n’y a pas si longtemps, elle dirigeait la majorité des gouvernements. C’est le grand paradoxe actuel : la crise financière, économique et sociale débouche sur une crise politique de la social-démocratie.

Cela peut paraître étrange, puisque les sociaux-démocrates ne sont pour rien dans le déclenchement de la crise, que ce sont au contraire leurs recettes traditionnelles (régulations, contrôles, transparence, normes communes, intervention de l’Etat, prises de participations publiques, bouclier social) qui sont maintenant mises en œuvre par les gouvernements de droite face à l’urgence et aux périls. Les répliques à la crise, l’analyse des responsabilités, les méthodes employées constituent en somme une victoire idéologique de la social-démocratie. La grimace de l’histoire est qu’elle se traduit par une lourde défaite politique. D’une certaine façon, on peut même soutenir que la social-démocratie a perdu électoralement parce qu’elle a gagné intellectuellement. Les libéraux ont au contraire échoué économiquement et triomphent politiquement. Ils ont vampirisé les recettes social-démocrates et les partis socialistes européens se retrouvent nus.

Si les partis socialistes donnent le sentiment d’être épuisés, ce n’est pas seulement parce que leurs idées favorites leur ont été dérobées, c’est aussi parce qu’ils apparaissent actuellement incapables d’en produire de nouvelles. A propos d’une question centrale à travers toute l’Europe, comme le financement des retraites face au vieillissement de la population, quelles sont leurs propositions ? En ce qui concerne l’Université, naguère un point fort, le PSE a-t-il une idée phare à mettre en avant ? Devant l’alourdissement brutal de la dette publique ou la concurrence accrue des pays émergents, quelle est sa réplique. Face à la crise, les peuples éprouvent certes comme souvent la tentation de se réfugier derrière les symboles de l’ordre et de l’autorité, c’est-à-dire derrière la droite. A l’échelle française, on croirait revivre la situation du vieux Parti radical dans les années 1930, déchiré entre ses deux leaders (Edouard Herriot et Edouard Daladier), éclipsé par la SFIO, embarrassé par une extrême gauche refusant toute participation gouvernementale (le PCF de l’époque) : après avoir enraciné la République, dominé la gauche, inspiré les principales lois sociales, laïques, fiscales durant des décennies, il se trouvait tragiquement à court d’idée, dépassé par l’Histoire. Pour la social-démocratie européenne, pour le Parti socialiste français en particulier, le défi est donc maintenant de prouver qu’il peut réinventer un projet et découvrir de nouvelles idées et de nouvelles ambitions.

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