Après une semaine d’affrontements entre jeunes et policiers, les banlieues suédoises ont retrouvé un calme relatif ce week-end. Encore sous le choc, les Suédois tentent désormais de comprendre ce qui a pu déclencher de telles violences. Au total, depuis le 19 mai, une centaine de voitures ont été incendiées, plusieurs écoles, bibliothèques et commissariats vandalisés. Un bilan négligeable, mais qui interpelle, dans un pays dont le modèle social continue d’être érigé en exemple à suivre, malgré les réformes libérales entreprises depuis vingt ans, qui l’ont largement écorné.
La nouveauté cette fois, c’est que les heurts ont éclaté à quelques kilomètres du centre de la capitale. Le réveil est brutal, d’autant plus que la droite, au pouvoir depuis 2006 à Stockholm, ne ménage pas ses efforts pour vendre l’image d’une ville moderne «de classe mondiale». Proche du parti social-démocrate, le journal Aftonbladet faisait cette semaine son mea-culpa : «Nous, les médias, transmettons une fausse image d’un Stockholm qui se termine à Stureplan [quartier huppé du centre-ville, ndlr]. L’image d’une population qui réussit, boit du vin blanc et prend le taxi. Du coup, la municipalité libérale n’a pas besoin de prendre ses responsabilités. Les inégalités peuvent augmenter, du moment qu’elles n’augmentent pas à Stockholm.»
Le Parti des démocrates suédois s’est empressé de dénoncer un échec de la politique d’intégration : 85% des 12 000 habitants d’Husby sont d’origine étrangère. Pour l’extrême droite, en pleine ascension dans les sondages, les heurts de ces derniers jours sont une nouvelle preuve que la Suède, qui a encore accueilli 44 000 demandeurs d’asile en 2012, doit revoir sa politique d’immigration.
Mais selon le géographe Ove Sernhede, spécialiste du développement urbain, le problème est avant tout celui de la hausse des inégalités sociales : «Alors que la richesse et le revenu disponibles ont fortement augmenté dans certaines parties de la ville au cours des deux dernières décennies, il ne s’est passé que peu de choses dans d’autres.» A Husby, par exemple, un jeune sur cinq est sans travail et non scolarisé. Associations et élus locaux dénoncent la faillite du système scolaire : 30% seulement des élèves des collèges de banlieue ont des notes suffisantes pour entrer au lycée, contre plus de 90% dans le centre de StockholmJusqu’à présent, le gouvernement de centre droit, au pouvoir depuis 2006, est resté étrangement silencieux. Le Premier ministre libéral, Fredrik Reinfeldt (Parti modéré), vivement critiqué pour avoir mis plus d’un jour et demi à réagir, a assuré que des efforts seraient portés dans les quartiers défavorisés «pour améliorer les résultats scolaires». Mais sans donner de détails, considérant que c’était aux habitants concernés d’intervenir pour mettre un terme aux violences.
La municipalité libérale, pour sa part, s’est évertuée à dénoncer les actes de «voyous», refusant de s’engager dans un débat sur les raisons de la frustration croissante dans les banlieues. Un mécontentement dont la droite serait pourtant largement responsable, selon la conseillère municipale du Parti de gauche Ann-Margarethe Livh : «Depuis 2006, la majorité a baissé les impôts communaux de 1 milliard de couronnes [128 millions d’euros], ce qui aurait permis d’accomplir énormément de choses dans les quartiers qui en ont besoin.»