Les formules sont ronflantes : "Oui à l’égalité synonyme d’excellence, non à l’égalitarisme synonyme de médiocrité". A la tribune, Yannick Jaffré, agrégé de philosophie, entouré de quatre autres professeurs, sonne la charge dans un débit précipité. Dans la salle, une centaine de personnes, avec la presse, les télés, et au pied de l’estrade, une grappe de photographes dont les objectifs sont tournées vers le casque blond d’une femme au premier rang : Marine Le Pen.
A Paris, au premier étage de l’espace Moncassin dans le 15e arrondissement, et en présence de sa présidente, le Front National lance, samedi 12 octobre, le collectif Racine "nouvelle structure d’espérance au sein de l’éducation française". L’atmosphère est étouffante mais le message fait froid dans le dos. "Pédagogisme moribond", "IUFM de sinistre mémoire", "conglomérats d’intérêts et de renoncements dirigés contre la France et son école"… Tour à tour, et sans nuances, les orateurs dénoncent le "désastre" : à l’école primaire, au collège, au lycée professionnel, à l’université, où ils sont respectivement en poste.
Valérie Laupies, longues mèches brunes et rousses, a pu enfin faire son métier d’institutrice en ZEP quand elle a compris que ses élèves n’avaient pas à être "des cobayes des innovations pédagogiques". Elle glisse qu’on sauvera le niveau "en freinant leur nombre [les enfants d’origine étrangère, NDLR] qui tend à devenir majoritaire dans les classes".
Michel Sibel, qui lui succède, roux et affable, perd son auditoire en lui parlant de "la prophylaxie des atteintes de la colonne vertébrale", de "la culture de la fatigue", et aussi de "réhabiliter le corps opératoire". Il est professeur d’EPS. Sans doute s’agit-il de thèmes vernaculaires… Après lui, Gilles Le Breton, professeur de droit public, fait le procès du désengagement de l’Etat dans le supérieur. Il ridiculise au passage les listes "chabada" dans les instances universitaires, en application de la loi Fioraso qui y impose une stricte parité.
Après eux, Marine Le Pen monte à la tribune, élégante, très à l’aise, telle qu’en elle-même. Voix éraillée et brassée de phrases-choc : "la sélection des meilleurs passe par la promotion de tous" ; "apprendre demande un effort, une ascèse"… Le Collectif Racine, à la fois hommage au dramaturge classique et métaphore de la refondation de l’école, n’est pas un syndicat. Il ne porte pas les intérêts exclusifs d’une profession, mais ceux de toute l’institution qui doit devenir efficace. Il est appelé à "être présent dans le débat, à organiser des colloques, à parler à nos jeunes et à nos anciens".
A ce jour, il ne compte qu’une centaine de membres, autrement dit une infime partie du million de fonctionnaires de l’Education nationale. Un seul inspecteur. Aucun proviseur ni principal. "Mais les langues se délient, le poids de la bien-pensance recule !", se félicite la présidente. Des collectifs départementaux ont commencé à se constituer.