En quittant le ministère de l’Intérieur en 2007, Nicolas Sarkozy, candidat UMP à la présidence de la République avait verrouillé l’institution policière en plaçant des fidèles à des postes stratégiques C’est Frédéric Péchenard, qu’il bombardera à la Direction générale de la police nationale (DGPN) pour tenir les 136 000 flics du pays. Le voilà suspecté aujourd’hui d’avoir fait espionner le téléphone d’un journaliste avec la complicité de Bernard Squarcini, l’incontournable directeur central du renseignement intérieur. Nommé également par Nicolas Sarkozy et intronisé préfet comme Péchenard, le «Squale» a la haute main sur la lutte antiterroriste mais aussi sur la «protection de l’Etat» dont il cultive une vision… extensive. Dans cette République des préfets, Christian Lambert, l’ex-patron des superflics du Raid dépêché en Seine-Saint-Denis pour rétablir l’ordre, pourrait succéder à Péchenard à la DGPN en cas de mise en examen.
Nicolas Sarkozy n’a jamais caché son aversion pour les juges d’instruction. Elu président, il a donc essayé de les supprimer mais, en attendant la loi jamais votée, il s’est mis en tête de les circonscrire en nommant «ses» hommes à la tête des plus grands parquets de France : Paris et Nanterre pour commencer. Ainsi, il se reposa longtemps sur Yves Bot, procureur de la République de Nanterre de 1995 à 2002, qui géra en ami les dossiers les plus chauds dans les Hauts-de-Seine, et prit le plus grand soin des affaires des Balkany et d’un certain Gaubert. Mais, lorsqu’il arrive à l’Elysée en 2007, c’est Jean-Claude Marin qui tient les commandes des poursuites. Nicolas Sarkozy s’assure alors des nouvelles convictions politiques de cet ancien chiraquien.
Marin ne l’a pas déçu. C’est lui qui, malgré de lointaines amitiés villepinistes, a sonné la charge contre l’ex-Premier ministre dans l’affaire Clearstream. C’est lui qui a pris encore soin de classer des procédures délicates, entravant l’évolution des dossiers Karachi ou celui des biens mal acquis des chefs d’Etat africains. Aujourd’hui, Marin revêt la robe plus flamboyante d’avocat général à la Cour de cassation.
Plus caricaturale encore est la nomination de Philippe Courroye qui se targua longtemps d’une réputation de juge indépendant avant de se jeter dans les bras de Nicolas Sarkozy… jusqu’à se perdre et subir l’infamie d’une mise en examen.
Mais, pour contrôler cet appareil judiciaire qu’il redoutait tant, Nicolas Sarkozy a longtemps compté sur un autre homme : Patrick Ouart. Magistrat de formation, ce haut responsable du groupe LVMH a accepté de jouer le rôle de conseiller, histoire de mieux maîtriser le cours des procédures.
Au secrétariat général de l’Elysée, Claude Guéant, dit « le cardinal » a été le Premier ministre officieux, reléguant sans vergogne François Fillon au rang de «collaborateur» et se mêlant d’à peu près tout : des affaires de police aux grands contrats internationaux. Seulement, avec les affaires, ses amitiés avérées avec Robert Bourgi (l’homme des valises africaines), Ziad Takieddine (l’intermédiaire dans les ventes d’armes au Pakistan ou à l’Arabie Saoudite) et sa proximité avec Alexandre Djouri (autre personnage trouble), l’auréole du «cardinal» s’est étiolée.
Quant à Brice Hortefeux, promis à la direction de la prochaine campagne présidentielle, un sinueux parcours judiciaire lui semble promis dans les prochains mois. Outre ses explications sur la façon dont il a été informé du contenu du dossier judiciaire de Karachi, il risque de devoir s’expliquer sur ses relations avec Ziad Takieddine et avec Thierry Gaubert, cet ami qu’il a informé de l’évolution de l’enquête.
Ils ont toujours tenu une place singulière au sein de la garde rapprochée, comme si la relation affective entretenue avec le Président comptait autant, sinon plus, que la fidélité politique. Nicolas Bazire en est l’illustration parfaite. Conseiller très écouté, il lui fut même proposé de succéder à Claude Guéant au secrétariat général de l’Elysée. Il déclina. Et que dire de Thierry Gaubert, dont l’amitié résista aux déboires judiciaires et financiers à répétition. Tous les deux sont aujourd’hui mis en examen, symboles de l’effondrement du système.
Jusqu’où ces pratiques d’un autre âge sont-elles allées ?
On est loin de la « République irréprochable » annoncée en 2007 par un Sarkozy triomphant !
Oui, décidemment, qu’ils s’en aillent tous