«Insécurité : l’alerte rouge.» Derrière cette manchette accrocheuse, Le Figaro dresse un bilan calamiteux de la première année d’exercice du pouvoir de la gauche en matière de délinquance. «Sur un an, d’août 2012 à juillet 2013, période qui démarre quand la gauche assume pleinement la conduite des affaires, tout ou presque vire à l’écarlate.» Et de citer l’augmentation des atteintes à l’intégrité physique (+2,9%), les atteintes aux biens (+3,5%) et les infractions économiques et financières (+5,9%).
Dans un communiqué en réponse au quotidien, Manuel Valls déplorait ce matin que Le Figaro «méconnaisse les avertissement et les règles méthodologiques rappelées par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales».
En janvier 2012, la mesure de la délinquance a en effet connu une rupture majeure, avec la mise en place d’un nouvel outil d’enregistrement dans les zones gendarmerie. Ce changement a eu comme effet d’affoler les statistiques. L’ONDRP est arrivé rapidement à la conclusion que «pour certaines catégories d’infractions, la comparabilité des nombres de faits constatés par la gendarmerie nationale semble avoir été perdue». Dès novembre 2012, l’ONDRP en avait tiré les conséquences en refusant d’agréger les chiffres de la police avec ceux de la gendarmerie, au motif que la hausse artificielle des chiffres des gendarmes biaise désormais toute comparaison avec les chiffres antérieurs. C’est une précaution dont ne s’embarrasse pas le Figaro.
Or, comme on peut le voir en se fiant aux chiffres, l'évolution des chiffres des violences est une excellente illustration de ce que dénonce l'ONDRP, à savoir ce décrochage des statistiques. En zone police, les violences ont stagné si l'on compare les périodes de août 2012-juillet 2013 à août 2011-juillet 2012 : elles sont passées de 370 225 à 370 608, soit une hausse de 0,1%. En zone gendarmerie, la hausse est de... 12,9% sur la même période. Quand on regarde dans le détail, le hiatus est caricatural : les violences sexuelles explosent en zone gendarmerie (+23,2%) contre une progression de 2,7% en zone police. Idem pour les faits de menaces ou chantages (+28,3 contre 0,9%) ou les violences physiques non crapuleuses (+9,7% contre une baisse de 2%)... Le minimum aurait été de mentionner ces divergences, leur probable explication, plutôt que de compiler ces chiffres comme si de rien n'était. «C'est un exemple manifeste de manipulation des chiffres, déplore-t-on en off à l'ONDRP. Il n'est pas très étonnant de voir que les départements ruraux qui ont des zones gendarmeries plus importantes voient les violences s'envoler : +25,6% pour le Cantal, +20,3% pour la Corrèze... alors que Paris voit ses chiffres stagner (+0,2%).»
L'épisode préfigure dans tous les cas de la tonalité des combats à venir sur le sujet... Car non seulement l'impact du nouvel outil de la gendarmerie va continuer à affecter les stats pendant plusieurs mois, mais la police, à son tour, adoptera bientôt un nouvel outil. La comparatibilité des données en sera encore plus brouillée. Mais on ne doute pas une seconde que cela n'empêchera pas le déclenchement de nouvelles «alertes rouges».