Vincennes qui bascule à gauche (50,2 %), Le Bourget qui le salue d’un beau 57 %, Toulouse (62,5), Périgueux (59,8) et jusqu’à Hirson (60 %), dans cette Aisne qu’il a visité le 24 avril précisément parce que le département avait donné un de ses meilleurs scores à Marine Le Pen. Il est vrai que François Hollande arrive largement en tête à Hénin- Beaumont (57,8 %), preuve de la complexité des reports frontistes : globalement favorables à Nicolas Sarkozy (58 à 60 %), ils semblent avoir été un peu plus favorables à François Hollande dans le Nord ouvrier et en Languedoc-Roussillon.
Au total, la carte du second tour est conforme à la logique du premier tour : François Hollande a conquis les mêmes terres d’un grand quart Sud-Ouest, de la Bretagne, du Nord du Bassin parisien. 65 départements ont placé le candidat de la gauche en tête, dont 32 avaient voté Sarkozy en 2007.
Nul doute que les victoires aux élections locales de 2004, 2008 et 2011 n’aient joué un grand rôle dans cet ancrage. D’abord parce que la carte des 65 départements acquis à François Hollande recouvre quasi parfaitement celle des conseils généraux dirigés par la gauche, exceptés les départements de l’axe Saône-Rhône qui ont préféré Nicolas Sarkozy. Ensuite parce que les grandes villes ont donné des victoires sans appel à François Hollande, à commencer par Paris (55,6 %) qui n’avait jamais voté à gauche à une élection présidentielle. Parmi les agglomérations de plus de 100 000 habitants, Nicolas Sarkozy ne "sauve" que les villes de la Côte d’Azur, de Toulon à Nice, ainsi qu’Aix-en-Provence.
Mais les moyennes rendent imparfaitement compte de la complexité des situations locales. Si le monde rural a, en moyenne, voté Sarkozy, la carte électorale semble distinguer les terres de petits propriétaires du Sud-Ouest, ancrées à gauche, à celles des grandes exploitations de la Beauce ou de l’Est, qui votent à droite. De même, le vote urbain de gauche cache des disparités entre les centres-villes, acquis à François Hollande, et le périurbain qui avait voté Le Pen au premier tour et qui a souvent préféré Nicolas Sarkozy.
Entre ces deux territoires, dans les quartiers, le vote Hollande a été fort. En Seine-St-Denis, François Hollande recueille 65,3 %, un demi-point de plus qu’en Corrèze. François Hollande obtient plus de 70 % des voix à St-Denis, Trappes, Les Mureaux, La Courneuve, Ivry-sur-Seine ou encore Villejuif, pour l’Ile-de-France, mais aussi à Vaulx-en-Velin à côté de Lyon, Hérouville-St-Clair Caen), Grande-Synthe (Dunkerque), etc.
Ces résultats sont obtenus avec une participation moindre que la moyenne nationale, que relativise Antoine Jardin, expert en participation électorale à Sciences Po. Ce chercheur l’attribue à la sociologie et au processus d’intégration : « Les jeunes issus
de l’immigration n’ont pas la culture du vote parce qu’ils n’ont pas été habitués à voir leurs parents voter (...) La participation a cependant été assez nette et a montré une volonté de mobilisation politique ».
Pour Yazid Sabeg, commissaire à la diversité, « il est clair que la campagne de Nicolas Sarkozy a contribué à la stigmatisation des habitants des quartiers », quand François Hollande « a tenu un discours apaisant et tolérant » et « a reconnu que les
quartiers sont un sujet majeur pour ce pays. Il est normal, poursuit- il, qu’il y recueille des suffrages importants ». "Normal", en effet…
Au total, ce vote des périphéries urbaines conforte l’analyse sociologique du scrutin : la France jeune et active a massivement voté Hollande, quand Nicolas Sarkozy ne le devance que chez les plus de 60 ans (59 %). « Je suis le président de la jeunesse de
France », a assuré François Hollande le 6 mai au soir, à la Bastille. Ce vote conforte autant qu’il oblige le nouveau président.