Ne plus faire reposer le financement de la protection sociale sur les seuls salaires, l'idée fait consensus entre le PS et l'UMP, mais il y a divergence sur la méthode.
Nicolas Sarkozy avait fait adopter, en févier 2012, un projet de TVA "sociale" : une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée sur les biens que chacun achète, en échange d'une baisse des cotisations sociales payées par les entreprises. Le PS, qui était opposé à cette mesure, l'a supprimée, mercredi 18 juillet, à l'Assemblée. Mais il évoque désormais, de plus en plus ouvertement, une hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) avec le même but : réduire les charges sociales acquittées par les entreprises.
Socialistes et UMP partent du même constat : la France a de plus en plus de mal à financer sa protection sociale, qui est assise sur les salaires. Ce sont les 22 millions de salariés, mais aussi leurs entreprises, qui financent, par leurs cotisations, les allocations familiales ainsi que les indemnités de chômage, les pensions de retraite et l'assurance maladie. Les deux partis estiment, avec nombre d'économistes, que le maintien du modèle social français passe par un élargissement de l'assiette de son financement.
D'où l'idée de transférer une partie des cotisations sur une autre source, dans un cas sur la consommation, en augmentant la TVA, dans l'autre sur les revenus, y compris ceux du capital, en augmentant la CSG. Ces hausses permettraient de diminuer les cotisations sociales payées par les entreprises. Ces dernières bénéficieraient donc d'une réduction de leurs coûts, qui les aiderait à mieux exporter, alors que le déficit commercial du pays bat des records à 70 milliards d'euros.
Car la TVA "sociale" remplit une double fonction. Elle transfère en partie le financement de la protection sociale sur la consommation, mais elle a aussi un impact sur la balance commerciale : les entreprises françaises paient moins de charges et ont donc un prix hors taxe moindre, ce qui les aide à exporter. A l'inverse, les produits importés en France sont soumis à une TVA majorée, donc plus chers, ce qui diminue leur attractivité pour les consommateurs français et rend plus facile, pour un producteur de l'Hexagone, de proposer des prix équivalents.
Eric Heyer, économiste à l'Office français des conjonctures économiques (OFCE), juge pour sa part que la TVA "sociale" était une bonne idée en 2007, lorsque le gouvernement Fillon a renoncé à la mettre en œuvre, mais ne l'est désormais plus, compte tenu de la conjoncture. La TVA "sociale" n'est donc pas une bonne idée en période de morosité économique.
L'intérêt de la CSG est de toucher tous les revenus, quelle que soit leur source : travail, retraites, indemnités de chômage, revenus et plus-values du capital. En outre, ajoute-t-il, la TVA "sociale" est à l'inverse de tout principe de solidarité européenne. Jouer sur la TVA n'est rien d'autre qu'une dévaluation compétitive.
Si la gauche fait le choix de la CSG, il est dommage de ne pas opérer la fusion avec l'impôt sur le revenu. L'idée, issue des travaux des économistes Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Camille Landais, consiste à réformer en profondeur l'impôt sur le revenu en y intégrant la CSG, qui deviendrait de ce fait progressive – le taux augmente avec les revenus – alors qu'elle est aujourd'hui proportionnelle (même taux quel que soit le revenu). Cette réforme ambitieuse, qui aboutirait à un impôt unique, prélevé directement à la source comme la CSG, est complexe à mettre en place.
Pour le moment, le gouvernement évoque une "réflexion" en cours sur une hausse de CSG, tout en assurant qu'elle n'aura pas pour but de financer les déficits des comptes sociaux. Elle serait donc destinée à améliorer la compétitivité des entreprises.