Un an après leurs débuts, les opposants au mariage gay remuent encore. Procréation médicalement assistée, «théorie du genre» les agitent. Le mouvement, longtemps présenté comme apolitique, aconfessionnel et indépendant, ne fait plus beaucoup illusion. Cette revue de détail non exhaustive, même si elle est déjà longue, est particulièrement instructive et constitue un élément de référence. Merci le Monde pour ce dictionnaire de la réaction !
Les politiques
On retrouve les fameux «vaillants mousquetaires» – la formule est de Frigide Barjot –, tous étiquetés UMP, qui ont ferraillé dans l’hémicycle pendant des semaines contre le projet de loi Taubira. Citons par exemple Xavier Breton, député de l’Ain, qui n’a pas dédaigné les effets de manche en évoquant les «trouples» (ménages à trois) lors d’une intervention à l’Assemblée. L’ancien ministre et député de la Drôme Hervé Mariton, l’un des principaux orateurs de son groupe sur le sujet, tout comme Philippe Gosselin, député de la Manche, Jean-Frédéric Poisson, député des Yvelines, et le sénateur de Vendée Bruno Retailleau. Lequel s’est illustré en lançant, en pleine séance, à sa consoeur écologiste Esther Benbassa : «Nous n’avons pas la même couleur politique. D’autres couleurs non plus, d’ailleurs.»
Plusieurs maires seront également de la partie : le médecin Philippe Brillault, maire UMP du Chesnay, conseiller régional des Yvelines et porte-parole de La Manif pour Tous, le maire UMP de Mésanger Jean-Yves Clouet, qui n’accepte pas de procéder lui-même aux mariages d’homosexuels, et le maire (divers droite) d’Arcangues Jean-Michel Colo, qui avait refusé de célébrer l’union de deux hommes en juin dernier, la qualifiant de «farce», avant qu’un de ses adjoints ne cède par peur des sanctions. Le maire (Modem) de Sotteville-sous-le-Val et président du Collectif des maires pour l’enfance Franck Meyer, par ailleurs porte-parole de la Manif pour tous. Tous plaident pour la «liberté de conscience» des élus.
On note aussi la présence de l’adjoint au maire du XVIIe arrondissement de Paris, Atanase Périfan, orthodoxe pratiquant et fondateur de la Fête des voisins, qui vient de rejoindre les troupes de Nathalie Kosciusko-Morizet. Le chef d’entreprise et secrétaire national de l’UMP Charles Beigbeder, qui se définit comme un «libéral conservateur» est annoncé.
Les anti-IVG
Orchestré par la présidente de La Manif pour tous Ludovine de La Rochère, ce rassemblement compte plusieurs intervenants connus pour leur action contre le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, dont la communication est assurée par Ludovine de La Rochère, en sera. Ce magistrat à la Cour des comptes est un fervent militant anti-IVG et fermement opposé à la recherche sur embryons. Il a également été administrateur de la Fondation de service politique, créée en 1992, et qui invite «les chrétiens de tous horizons à promouvoir les valeurs fondatrices de la civilisation judéo-chrétienne».
Autre figure des anti-IVG Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita, qui milite notamment contre l’euthanasie, et porte-parole de La Manif pour tous. Apparaît aussi le professeur Emmanuel Sapin, chef du service de chirurgie pédiatrique et néonatale au CHU de Dijon, qui a participé en 2010 à la soirée «Naître ou de pas naître, de l’avortement au bébé à tout prix» organisée par l’Alliance pour les droits de la vie.
Les réseaux catholiques
Le père Louis-Marie Guitton est notamment responsable de l’Observatoire socio-politique du diocèse de Fréjus-Toulon. Fin août, il a co-organisé «l’Université d’été de la Sainte-Baume», créée en 2011, qui a réuni «des étudiants et des jeunes professionnels désireux de s’engager dans l’évangélisation du monde politique, économique et social». Le mouvement des Veilleurs sera également représenté par son cofondateur Axel Rokvam. Le 18 mars, lors d’un débat à la Sorbonne, il avait interpellé la garde des Sceaux : «Mais qui êtes-vous, Madame, pour changer ma civilisation ? (...) Vous risquerez de faire de nous des marchandises, rétablissant un esclavage dont je me ferai éternellement l’ennemi.» Sera aussi présent Antoine Renard, qui préside l’AFC (Associations familiales catholiques) et qui manie les expressions«rupture de civilisation» ou «nécessaire opposition à l’invasion du "gender"» à l’envi. Il s'est également rallié au mouvement de Christine Boutin pour les européennes de 2014.
Les intellectuels
Ils sont professeurs d’université, écrivains, philosophes, et décrivent à longueur d’articles les dangers supposés des unions homosexuelles. Ils sont bien représentés, à l’image de Clotilde Brunetti-Pons. Cette maître de conférences des universités, spécialisée en droit de la famille, a par exemple signé une pétition contre la loi Taubira, «qui se révèle celui de l’esclavage moderne des femmes et de la nouvelle traite des enfants». Un texte également paraphé par Guillaume Drago, professeur de droit public. Jean Clair, écrivain et historien d’art, membre de l’Académie française, a fait savoir dans une tribune au Figaro sa désapprobation à l’endroit du mariage gay, qui pourrait «dans le secret de la chambre à coucher, assurer subrepticement, au nom du socialisme et de l’homme libre, la victoire posthume du nazisme».
Xavier Lacroix, professeur de philosophie et de théologie, est membre du Conseil national d’éthique et conseiller auprès de l’épiscopat. Les textes de François de Muizon, professeur de philosophie et de théologie, sont repris un peu partout sur Internet et servent de base de réflexion aux anti-mariage gay. Muizon estime que «les autres formes d’unions [qu’hétérosexuelles] restent privées et n’apportent rien de vital à la société».
Alexandre Pesey, ancien journaliste, est l’un des cofondateurs de l’Institut de formation politique (IFP), une école libérale-conservatrice sur laquelle le Monde avait enquêté. Robert Oscar Lopez est plus qu’un prof de littérature américaine, comme il est présenté par les organisateurs de la Manif pour tous. Il est, à leurs yeux, un exemple du mal engendré par les unions homosexuelles. Elevé par un couple de lesbiennes, aujourd’hui bisexuel, il n’a pas de mots assez durs pour fustiger «l’homofascisme» et le «lobby gay».
Citons également Jean-Marie Salamito, historien spécialiste du christianisme antique, et engagé dans le mouvement des Veilleurs. Marin de Viry, critique littéraire, chroniqueur à Marianne et conseiller de Dominique de Villepin lors de la campagne présidentielle 2012. Tout comme Denis Tillinac, écrivain et chroniqueur au très droitier magazine Valeurs actuelles, et Jeanne Larghero, professeur de philosophie.
Les communicants ou journalistes
Plusieurs journalistes de la presse conservatrice et catholique ont été invités, à l’image d’Antoine Pasquier, du magazine Famille Chrétienne, Michel de Jaeghere, ancien de Valeurs actuelles, désormais chargé des hors-séries du Figaro. L’homme est par ailleurs vice-président de l’association Renaissance catholique. Gérard Leclerc est spécialiste de Maurras et a notamment écrit pour le bimensuel de la Nouvelle action royaliste. Aujourd’hui, il est éditorialiste pour le magazine France catholique. Il figurait sur la liste des intervenants de l’université d’été de la nébuleuse du Printemps français, «l’université d’été pour tous». Erwan Le Morhedec, blogueur catholique plus connu sous le pseudo Koztoujours, a participé brièvement à la marche des Veilleurs cet été.
Plusieurs communicants, comme Nicolas Boudot, expliquent avoir été sollicité pour apporter un «point de vue extérieur et indépendant» sur la communication des antimariage gay depuis un an. François de Viviès fait de même, tout comme Olivier Esquirol. L’homme a de l’expérience : il est passé par le secrétariat général de l’enseignement catholique ou encore par le ministère du Logement et de la Ville de Christine Boutin. Caroline Wallet a le même profil. Membre des cabinets Bertrand, Boutin et Greff durant le quinquennat Sarkozy, ancienne directrice adjointe de la communication de l’UMP, elle est impliquée dans la Manif pour tous en tant que responsable de la com.
Les responsables associatifs et syndicaux
Présente aussi, Faiza Zekhnini, responsable de l’association La Maison de Loqman, dans le Pas-de-Calais. Tout comme Camel Bechikh, président de l’association Fils de France, dont le site Internet précise que «dans une société en perte de repères, nous affirmons notre amour de la France éternelle». Bechikh, proche des Frères musulmans, s’est fait le spécialiste des diatribes maurassiennes et patriotes, tendance Alain Soral. Il s’est aussi engagé comme porte-parole de La Manif pour tous. Laquelle sera largement représentée par ses militants et porte-parole, tels que Lionel Lumbroso, qui se présente comme un «sarkozyste de gauche», Akila El-Sody, militante de la Manif pour tous en Seine-Saint-Denis, ou encore Albéric Dumont, coordinateur général. Derrière son profil d’étudiant modèle, qui passe ses partiels en pleine mobilisation des antis, on trouve en fait un habitué de ces réseaux. Passé par «La Marche pour la vie», un collectif anti-avortement, Dumont nie toutefois avoir appartenu aux Jeunesses identitaires (mouvement d’extrême droite) et à l’Action française (monarchiste). «Je n’ai jamais eu ma carte dans un parti, un groupuscule, distribué un tract ou assisté à une conférence», a-t-il expliqué à Yagg, avant de préciser : «Après on m’a peut-être vu serrer des mains, c’est possible…» Le général Bruno Dary, ancien gouverneur militaire de Paris et retraité du service actif, n’est pas resté longtemps les bras croisés. En début d’année, il vient conseiller la Manif pour tous pour la tenue de ses grands raouts. Il a fermement démenti tout projet de putsch au sein d’une frange catho-conservatrice de l’armée, auquel il aurait pu apporter sa caution. Alexandre Varaut, avocat de la Manif pour tous, a un CV fourni. Il s’est lancé en politique sous les couleurs du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers. Député européen de 1999 à 2004, il a même été vice-président de l’organisation à partir de 2008. Au sein du collectif contre l’handiphobie, il a lutté contre le droit à l’avortement pour les parents en attente d’un bébé trisomique : un «eugénisme à la française», selon lui. Quelques représentants syndicaux comme Olivier Vial, président de l’organisation étudiante de droite radicale UNI, ou Joseph Thouvenel, vice-président confédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)font partie du mouvement. Enfin, Ghislain Lafont, président du conseil de surveillance du groupe Bayard Presse, propriété de la congrégation des Assomptionnistes, est souvent à la tribune.
Les cautions homo
La Manif pour tous n’est pas homophobe, répètent ses organisateurs. La preuve, des homosexuels font partie du mouvement. Ainsi de Philippe Ariño, essayiste. L’homme est gay, catho et contre le mariage pour tous. Du pain bénit. A tel point que le Printemps français l’avait invité à participer à son rassemblement estival. Ariño avait choqué en estimant que «la blessure du viol ou du fantasme de viol identifiée dans le désir homo est un cœur ouvert pour toute notre société». Quant à Jean-Pierre Delaume-Myard, porte-parole de la Manif pour tous, membre du collectif Homovox des «homos contre le mariage gay», il se revendique «homosexuel, pas gay». Pour lui, la loi Taubira préfigure un «futur génocide sociétal».
Les défenseurs de «l’enfance»
Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation pour l’école, a critiqué la «dérive théocratique de l’état républicain» initiée par le ministre de l’Education Vincent Peillon avec le débat sur le mariage gay. Yves Meaudre a fait partie du Conseil d’administration de la fondation de service politique. C’est au titre de directeur général de l’ONG Enfants du Mékong, d’inspiration chrétienne, qu’il a rejoint la Manif pour tous.
Jérôme Brunet, préside l’Appel des professionnels de l’Enfance. Sur sa page Facebook, l’APE confond manifestement genre et préférences sexuelles : dans une note adressée à Christiane Taubira et Vincent Peillon, publiée le 22 avril, on peut lire «Venez expliquer [aux enfants] que l’humanité n’est plus composée d’hommes et de femmes mais qu’en fait, elle se divisera demain en une multitudes de genres : hétérosexuel, homosexuel, bisexuel, transsexuel, multisexuels.» Le psychiatre Christian Flavigny, responsable du département de psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, est l’auteur de nombreux ouvrages sur la famille, dont Je veux un papa ET une maman.
Les (ex)-fonctionnaires
François Méhaud est un ancien délégué du procureur d’Angoulême. Il a démissionné en juillet, à cause de «la gestion “particulière” des dossiers de la Manif pour tous» et notamment l’incarcération de Nicolas Buss, qu’il juge relever du «délit d’opinion». Il débattra avec Philippe Pommier, commissaire divisionnaire de police, en disponibilité pour convenance personnelle (il travaille désormais dans l’immobilier), qui s’était fait remarquer dans les cercles des antis pour une tribune sur la répression «politique» que les policiers seraient forcés d’exercer.