Ce 14 novembre 2013 restera dans l’histoire comme un grand jour. Celui où, négligeant leurs rancœurs légendaires, délaissant le mépris mutuel qu’ils se portent les uns les autres, des élus de l’extrême droite européenne auront, en Autriche, rassemblé leurs forces dans un combat commun contre ces deux ennemis qui les dépassent : Bruxelles et l’islam.
En effet, selon nos informations, des élus européens du Front National français, du Vlaams Belang (Belgique), du PVV (Pays-Bas), de la Ligue du Nord (Italie), des démocrates suédois et du FPÖ (Autriche) ont tenu une première réunion de travail ce jeudi, montrant qu’ils avançaient dans leur projet d’union.
Très éclatée, la famille de l’extrême droite européenne cherche à apparaître comme une troisième voie, une alternance crédible aux conservateurs et aux sociaux-démocrates. Son but est d’obtenir pour la première fois un groupe parlementaire après le scrutin. Pour cela, il lui faut 25 députés dans sept pays de l’Union
Ils souhaitent établir une liste des sujets à aborder en vue des européennes, mais aussi sceller un pacte, interdisant aux signataires tous les dérapages racistes qui, jusqu’à présent, ont systématiquement fait dérailler les projets d’alliance.
A la demande de plusieurs participants, le lieu, l’heure et les noms des personnes conviées à cette table ronde ont été tenus secrets, afin qu’il ne soit pas possible à d’éventuels manifestants d’en troubler l’ambiance studieuse. Mais le député européen autrichien Andreas Mölzer, qui a organisé la rencontre inédite, confirme à Libération la participation d’une délégation du Front national. «On n’est pas dans le show, commente-il. On est dans une séquence ce travail. Les points qui nous rassemblent sont plus importants que ceux qui nous séparent.»
Le FPÖ est incontestablement à l’origine de cette dynamique européenne, aux wagons de laquelle Marine Le Pen tente de s’accrocher. Ce parti autrichien a tout fait pour mettre un terme à l’isolement international du FN, conscient d’avoir en France un véritable alter ego, en termes de potentiel électoral et d’encrage historique. Mais il n’a pas réussi à convaincre le parti britannique eurosceptique UKIP, ni certaines formations scandinaves, de venir le rejoindre. «Le Front National a des racines profondes dans l’antisémitisme» a encore affirmé aujourd’hui Sören Espersen, le vice-président du parti du peuple danois, dans le journal Politiken.
Le FPÖ et le FN souhaitent apparaître comme des partis qui, certes, sont nationalistes et luttent contre la sédentarisation de l’islam, mais qui, pourtant, n’ont rien à voir avec des formations d’excités ouvertement racistes comme le Jobbik, en Hongrie, ou Aube dorée, en Grèce. Toutefois, leur alliance tient principalement de l’amitié entre Bruno Gollnisch et Andreas Mölzer, deux garants de l’aile dure, qui visitaient ensemble encore en 2010, à l’invitation d’un groupuscule révisionniste japonais, le sanctuaire Yasukuni de Tokyo, où sont honorés, parmi d’autres soldats, 14 criminels de guerre nippons, pendus par les alliés en 1945.
Et le 29 octobre dernier, à l’occasion de la première session du parlement autrichien après les législatives, tous les députés du FPÖ ont fièrement porté un bleuet à la boutonnière. Or, les pro-Hitler arboraient déjà cette fleur dans les mêmes conditions en 1933, pour protester contre une loi qui leur interdisait de venir avec des croix gammées.