Pour que les informations puissent circuler sur internet, elles sont divisées en "paquets" de données. Et pour que ces paquets puissent voyager d’un ordinateur à un autre, il faut que ces derniers aient un moyen d’être identifiés, un protocole commun, une sorte d’adresse. Ce moyen, ce sont les fameuses adresses IP (pour Internet Protocol), une série de quatre fois trois chiffres. Tout type de machine, ordinateur, tablette ou téléphone, qui se connecte à internet a obligatoirement une adresse IP sans laquelle il ne peut tout simplement ni recevoir ni envoyer d’information. A l’origine, internet était quelque chose d’expérimental qui ne concernait que quelques centaines de personnes qui se connaissaient toutes. A l’époque, quatre séries de chiffres suffisaient donc largement à communiquer. D’où le nom de ce premier protocole : IPv4, qui a pourvu pendant tout ce temps à nos besoins en adresses IP.
Le nombre d’internautes a décuplé et, d’ici 4-5 ans, nous serons environ 3 milliards à nous connecter", précise Frédéric
Donck. "Et à cela, il faut ajouter l’explosion des connexions via les appareils mobiles.
Très bientôt, il n’y aura plus assez d’adresses IP pour tout le monde. Certaines zones géographiques sont d’ailleurs virtuellement déjà en rupture. Cela ne veut cependant pas dire que le web
est au bord de l’explosion et que nous risquons à tout moment la saturation. En fait, dans la pratique, les choses sont plus compliquées. Tout d’abord parce que les adresses sont distribuées au
niveau local par des organismes régionaux et que, en fonction des zones géographiques, les situations ne sont pas les mêmes. Ainsi, en Asie, les stocks sont quasi épuisés tandis qu’en Amérique
du Nord il en reste un peu et qu'en Afrique, il en reste beaucoup plus. En outre, il existe différents stratagèmes permettant de grossir son stock, comme le fait d’attribuer une adresse IP à
plusieurs ordinateurs ou encore tout simplement de réutiliser les anciennes adresses IP. Pour les particuliers, il n’y a donc rien à craindre à court terme
Des problèmes risqueraient de surgir principalement pour les gens qui veulent développer ou innover", estime Frédéric Donck. "Par exemple, il serait déjà difficile aujourd’hui de lancer un nouveau Facebook ou Twitter car il n'y aurait pas assez d'adresses IP. De même, le formidable développement de l’internet mobile, avec des téléphones qui vont bientôt communiquer entre eux en IP, va encore augmenter le besoin d’adresses. Enfin, internet est, bien entendu, extrêmement important pour les pays en voie de développement où il y a une forte demande. Le risque principal, en cas de pénurie, serait que certains se mettent à acheter et revendre des adresses. Aujourd’hui, cela ne coûte quasiment rien et vous pouvez acheter un paquet d’adresses pour un prix dérisoire. Or, l’internet, par définition, doit être une denrée accessible à tous. Il ne doit pas faire l’objet de commerce.
L’IPv4 était basé sur une notation décimale avec des adresses du type : 172.31.128.1. Avec l'IPv6, on passe à une écriture hexadécimale du genre : "2001:0db8:0000:85a3:0000:0000:ac1f:800". Ce nouveau protocole permettra de disposer d’un stock de 340 "sextillions", ou trillions de trillions de trillions ou encore 3,4 * 10 exposant 35 d'adresses.
Il s’agit plus d’une évolution que d’une révolution", affirme Frédéric Donck. "L’année dernière, nous avions organisé un "IPv6 Day", une journée d’essai à laquelle avaient participé des entreprises comme Google, Facebook, Yahoo ! qui avaient fait tourner leur sites simultanément en IPv6 et IPv4. Résultat : il ne s’est absolument rien passé ! A part peut-être une petite poignée de problèmes techniques, mais rien de significatif."
Concrètement, on ne se rendra compte de rien. La plupart des grandes entreprises du web (comme AT&T, Free, Facebook, Yahoo !, Bing…) sont déjà prêtes. Et pour le reste, le web continuera à fonctionner avec l’IPv4 le temps que l’IPv6 se mette en place. Les deux protocoles coexisteront jusqu’à ce que le dernier site sous IPv4 passe à l’IPv6. Pour le lancement, nous tablons sur une masse de 1% en moyenne de trafic sur les réseaux concernés
Mais même si il ne se passera pas grand-chose, il s’agit d’un moment historique : on passe enfin dans le monde de l’IPv6. Le nouveau protocole va permettre de faciliter différentes évolutions techniques, comme par exemple les réseaux intelligents, une vitesse de calcul plus importante ou encore de nouvelles applications plus rapides."