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Le blog de Eric de Falco

Le blog de Eric de Falco

conseiller général du 1° canton de Rouen


Psychanalyse d'une société

Publié par Eric de Falco sur 24 Novembre 2013, 07:34am

Des manifestations contre le mariage pour tous aux bonnets rouges de Bretagne, les mouvements de contestation se multiplient. Rythmes scolaires, statut des sages-femmes, la grogne contre l'action du gouvernement fédère des groupes sociaux variés aux intérêts parfois antagonistes.

Ce n'est pas un hasard si c'est à l'occasion du mariage homosexuel que s'est révélé quelque chose de beaucoup plus profond. Il y a une crise économique mondiale et, pour la droite comme pour la gauche, elle est difficile à gérer. Sur ce front-là a éclaté un mouvement que l'on n'avait pas vu depuis longtemps. En France, où les oppositions sont beaucoup plus marquées qu'ailleurs, nous assistons à une irruption de propos réactionnaires.

Depuis la Révolution, il y a toujours eu deux France : une France légitimiste de droite et une France de progrès. Et à l’intérieur de ce clivage, de nombreuses nuances. Nous avons d'un côté Valmy et de l'autre Vichy. Nous sommes très républicains, à droite comme à gauche d'ailleurs. Et puis nous avons une extrême droite qui a toujours été raciste. Ce discours s’est modifié évidemment, mais il existe toujours à l’état de refoulé.

La mutation, sur fond de crise économique, c'est qu'il y a maintenant un flou à l’intérieur de la droite républicaine qui a en partie adopté des positions de l'extrême droite. Que la droite classique libérale ait pris le relais à partir des manifestations contre le mariage homosexuel est étonnant. A priori, elle n'était pas contre !

IL était évident qu'il y aurait une opposition, mais pas que la rue défende de prétendues "valeurs familiales" auxquelles plus personne n’adhère. C'était le signe du rejet d'une mutation qui, pourtant, est déjà en cours.

Ces manifestations ont rassemblé des gens qui n'auraient jamais dus être ensembles : des républicains et une vieille extrême droite française. Ils ont fait manifester des enfants qui portaient des pancartes de haine contre les homosexuels. On les a retrouvés dans les explosions de haine contre Christiane Taubira, responsable de cette loi et incarnation de tout ce que déteste la droite extrême : une femme noire, libre, intelligente, cultivée, courageuse, ministre de la République.

On en est venu à cette haine raciste d’autant plus vivace que des Noirs ne sont plus du tout à l’image du "Ya bon Banania" de l’univers colonial. On a ressorti des profondeurs de la France de Vichy des choses que l'on pouvait penser dépassées : c’est haïssable, cette France-là. Tout repose sur des fantasmes. Sur le plan politique, on s'attaque non pas aux choix du président Hollande mais à l'autorité même du chef de l'Etat. Les injures s'attaquent à la souveraineté de la fonction républicaine, comme on l'a vu lors de la commémoration du 11 Novembre qui devait être un moment d'unité nationale. Il faut maintenant être très ferme contre cela.

On a des jacqueries, des terreurs, des peurs. Les manifestations dépassent la question de l’écotaxe. Il y a simplement l'expression d'une colère populaire qui ne veut pas des dictats de Bruxelles et qui donc ne veut pas de L’Europe. Il nous faut aujourd’hui combattre les dictats de Bruxelles mais conserver l’idée européenne. Cette vague d'euroscepticisme s'accompagne pourtant d'une demande d'une d'Europe plus présente, comme on le voit avec des attentes autour du smic européen pour lutter contre le dumping social. Comment expliquer ce paradoxe ?

Ce qui domine avec ces bonnets rouges –le symbole, c'est contre l'autorité de Louis XIV, ce ne sont pas les sans-culottes – c'est, avec de vieilles revendications régionalistes, un sentiment d'humiliation. On peut le comprendre mais la politique ne peut pas fonctionner en s'appuyant sur la seule souffrance. On ne peut pas raisonner avec des manifestations irrationnelles qui s’en prennent au Pouvoir central, avec un grand "P" en l’accusant d'être responsable d'une situation dont il n'est pas responsable

Ce qui est spécifique à la France, c'est que la droite a toujours considéré que la gauche était illégitime. Dès qu'un pouvoir de gauche est élu, la droite ne tolère pas l'alternance, comme si elle considérait que c'était à elle d’incarner la nation.

La vraie cause de ce qui se passe aujourd'hui, c'est l'échec radical du communisme réel qui avait porté l'espérance du peuple vers l'égalité. Le communisme n'a pas marché mais ce système représentait l'aspiration des peuples. C'est un échec monumental. On n'a peut-être pas encore mesuré que cet échec a tué pour longtemps l'espoir d'une société plus égalitaire. Comme la France est le pays des soubresauts révolutionnaires et contre-révolutionnaires, on a aujourd'hui un peuple qui va plutôt du côté de l'extrême droite

L'échec du communisme est mondial. Mais, dans une société comme la France où les clivages sont beaucoup plus grands, c'est la Révolution française qui a porté tous les espoirs du communisme au 20e siècle. Au fond, l'échec de 1917, c'est l'échec de 1789. En France, cela prend une tournure beaucoup plus grave que dans d'autres pays d'Europe. Le mal-être est mondial. En raison de notre solide modèle républicain, nous estimons que l'Etat doit régler tous les problèmes des citoyens. Ce modèle est mis en cause de tous les côtés. On n'arrête pas de nous dire que la France est abaissée et que son modèle ne vaut plus rien. Le modèle de 1789 est présent partout ! C'est un modèle universel. Quand les Chinois manifestent sur la place Tiananmen, ils brandissent la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Ce modèle-là s'est internationalisé et il n’appartient à aucun "terroir" figé. Compte-tenu de la mondialisation, on voit que nous perdons des acquis. Alors, sans doute faut-il faire des économies sur la sécurité sociale. Dans des pays comme le Brésil où il n'y a pas ni sécurité sociale, ni école gratuite, etc…, quand le peuple y accède, il est mobilisé il va de l’avant. En France, nous sommes obligés de rogner sur ce qui existe.

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