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Le blog de Eric de Falco

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conseiller général du 1° canton de Rouen


Thomas Piketti, quelle influence?

Publié par Eric de Falco sur 21 Septembre 2014, 06:53am

Impossible de passer à côté : "Le Capital au XXIe siècle" de Thomas Piketty est l’un des best-sellers de cette année 2014. En tête des ventes dans sa catégorie sur Amazon pendant des semaines, nouveaux tirages commandés par l’éditeur ; le livre est un franc succès. Ce qui fait certainement moins l’unanimité dans "Le Capital" de Piketty : sa quatrième partie. Dans cette dernière, Piketty dessine les solutions qu’il préconise face aux constats et problèmes développés dans les 600 précédentes pages. Le rendement du capital est supérieur à celui du travail et son accumulation empêche une redistribution plus juste ? Qu’à cela ne tienne – renouant avec une certaine tradition anglo-saxonne du début du XXe siècle, Piketty propose en substance d'accroître la pression fiscale sur le capital. Théoriquement, une taxation de la rente de l’ordre d’un tiers permettrait de brider la logique exponentielle et consanguine de la croissance du patrimoine. Plus réaliste, Piketty prescrit des taux de l’ordre de 10 % et ce dans le monde entier : seul le caractère international de cet impôt promet son efficacité afin d'éviter la concurrence fiscale. Dans la foulée émergerait ipso facto le référencement du capital – au même titre que les revenus du travail. L’impôt mondial sur le capital n’arrivera pas d’une impulsion divine et le professeur sait bien qu’il va devoir mouiller la chemise s‘il veut espérer voir un jour sa solution inscrite sur l’agenda politique Piketty n’est pas un novice en la matière. Engagé en tant que conseiller personnel de Ségolène Royal lors de la présidentielle de 2007 et proche du PS, il avait appelé à voter Hollande en 2012. Depuis, on l’entend à discrétion s’exprimer contre l'inexpérience du gouvernement et il ne cache pas sa déception face aux socialistes au pouvoir. En substance, comment un parti ayant passé 10 années à essayer de reconquérir le pouvoir peut-il être aussi mal préparé à gouverner ? Où est la boîte à idées, où est le projet ? Thomas Piketty et Camille Landais sont déçus. Le projet qu’ils portent à bout de bras depuis des années aura eu besoin pour qu’on l'évoque enfin, d’une tentative désespérée d’un premier ministre sur le déclin pour récupérer un peu d’air – tentative qui se heurtera à l’immobilisme du staff de Bercy. Certes le professeur a le vent en poupe depuis le carton du "Capital au XXIe siècle" mais le risque de volte-face est important. D’autres avant lui s’y sont cassé les dents ; l'économiste qui se politise en prônant des solutions en marge de la doxa prend le risque d’être marginalisé. Probablement en bonne position pour prétendre au sacro-saint prix Nobel d'économie, Piketty ne peut se risquer d’exploser en vol d’ici là. Son dernier ouvrage a suscité des louanges de tout bord – mais surtout en dehors du territoire. Sorti beaucoup plus tôt en France, "Le Capital" de Piketty circulait essentiellement dans les milieux initiés et n’était certainement pas un best-seller à emporter sur les plages cet été. Elu, Piketty sera perçu comme un technocrate dès qu’il annoncera son entrée en politique. Un succès électoral pourra faire taire les sceptiques et lui accorder un bien meilleur écho populaire. On imagine pourtant mal Thomas Piketty briguer un poste à Bercy. Non pas qu’il n’en ait pas les capacités, loin de là. Jamais notre président ou Premier ministre n’ira s’aventurer sur ce terrain - Emmanuel Macron est un choix tellement plus Medef-compatible. À Bercy, les ajustements se font à la marge – Piketty veut renverser la table. Sans marge de manœuvre, le poste ne vaut rien. L'épisode de la réforme fiscale imaginée par le conseiller du candidat Hollande en est l’exemple canonique Au mieux, Hollande pourrait lui proposer de présider un groupe de travail ou lui commander un rapport – très improbable au demeurant. Piketty ne pourra que refuser – il sait qu’il s’agirait de capitaliser sur son image et que le travail sera vite enterré. Surtout, ces rapports existent déjà : "Le Capital" évidemment, mais sur un plan moins théorique et plus proche des problématiques franco-françaises, "Pour une révolution fiscale" est disponible gratuitement sur son site internet, à côté d’un outil de simulation documenté et accessible au plus grand nombre. Piketty est parfaitement bilingue et son profil international n’est plus à démontrer. Il a étudié au Royaume-Uni et travaillé aux États-Unis, où l'écho de son récent ouvrage est le plus massif. Ses solutions ne peuvent fonctionner que si celles-ci sont appliquées à un niveau au moins européen. À l'échelle mondiale, seule une nomination au FMI semble réellement envisageable. La France y est bien représentée – on pensera évidemment à Christine Lagarde ou Dominique Strauss-Kahn, mais aussi à l'économiste en chef Olivier Blanchard. Depuis les accords de Bretton Woods, la Banque mondiale reste généralement sous contrôle américain alors que la direction du FMI est tacitement accordée aux Européens. Le FMI a récemment distingué le Français : Thomas Piketty fait partie, avec 24 de ses collègues, des économistes qui auront "la plus grande influence dans les années à venir dans la compréhension de l'économie". Sans nécessairement envisager le mandat de directeur, il pourrait néanmoins prétendre à un poste important au sein de l’institution. Après le sacrifice des quelques trublions de gauche du gouvernement sur l'autel de l'orthodoxie libérale, ou encore le retrait du médiatique Mélenchon de la présidence du parti de gauche, l'électorat de gauche est orphelin. Ce créneau est à prendre car la gauche pourrait bénéficier d'un nouveau visage auquel s'identifier afin de remobiliser ses troupes. Thomas Piketty sait ce qui lui reste à faire.

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