L’Ecclésiaste et Louis Aragon bornent la presse du week-end et probablement celle de la semaine prochaine.
L’Ecclésiaste, quand il nous dit qu’il y a un temps pour tout. Un temps pour naître, un temps pour mourir. Un temps pour tuer, un temps pour guérir. Un temps pour pleurer, un temps pour rire. Un temps pour bâtir, un temps pour détruire. Un temps pour aimer, un temps pour haïr. Un temps pour la guerre et jeter des pierres. Un temps pour parler er pour faire la paix !
Quant à Aragon, c’est dans la question posée depuis 1914 : « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » qu’il anticipe les guerres d’aujourd’hui et décrit notre perplexité face aux images nécessaires mais insuffisantes des médias.
«C’était un temps déraisonnable,
On avait mis les morts à table,
On faisait des châteaux de sable,
On prenait les loups pour des chiens,
Tout changeait de pôle et d’épaule,
La pièce était-elle ou non drôle.
Moi si j’y tenais mal mon rôle
C’était de n’y comprendre rien.
Est-ce ainsi que les hommes vivent,
Et leurs baisers au loin les suivent ?"
Comme quoi, il n’y a que les prophètes et les poètes pour marier ainsi l’émotion et la réflexion.
Les prophètes, les poètes, et peut-être aussi quelques grands pilotes de médias, pour aider chacun de nous à s’y retrouver quand les temps sont déraisonnables, que l’on met les morts à table et que l’on prend les loups pour des chiens. Voire le méchant pour le gentil.
Il faudrait à cet égard pouvoir lire successivement aujourd’hui dans l’ordre de son choix, ce qu’écrivent Claude Imbert du POINT, Jean Daniel du NOUVEL OBSERVATEUR, Christophe Barbier de l’EXPRESS et François d’Orcival du FIGARO MAGAZINE à propos de la guerre qui depuis trois semaines, embrase et déstabilise le Proche Orient.
François d’Orcival écrivait dimanche dans le FIG-MAG que le Hamas sentait décidément beaucoup le pétrole iranien et il justifiait son point de vue en ces termes : « Ce que l’armée israélienne est allée chercher dans les souterrains de Gaza, ce sont les armes du Hamas. Les plus puissantes d’entre elles proviennent d’Iran car le Hamas n’existe que par l’Iran ».
Et l’éditorialiste du FIGARO MAGAZINE d’affirmer : Or aujourd’hui, l’équation iranienne est : islamisme conquérant + pétrole cher = nucléaire.
Sans pétrole, pas d’argent pour financer les centrifugeuses nucléaires et l’islamisme. Seulement voilà, l’Iran est aujourd’hui un pays affecté lui aussi par la crise et asséché par la division par trois, de ses revenus pétroliers. Dès lors, la guerre pour lui, est une manière de redistribuer les cartes et de peser à nouveau sur les prix du pétrole.
Et François d’Orcival de conclure. « C’est Téhéran qui a déchaîné le Hamas à Gaza pour entraîner les représailles massives des israéliens et refaire autour d’eux, grâce à la mobilisation de l’opinion, l’union nationale du peuple iranien. »
Le 5 janvier dernier, Nicolas Sarkozy se gardait bien d’aller jusque là, tout en reconnaissant publiquement la responsabilité du Hamas, dans la guerre engagée à Gaza. « C’est », disait-il, « le Hamas qui en décidant de mettre fin à la trêve, et en reprenant les tirs de roquette sur des populations civiles d’Israël qui a agi, de façon irresponsable et impardonnable. »
Irresponsable et impardonnable, qui a entendu ces mots du Président de la République dans ce que Jean Daniel décrit comme le martèlement des médias et la contagion de la haine.
Et l’éditorialiste du NOUVEL OBSERVATEUR de s’étonner du calme, même s’il est relatif, des jeunes musulmans et des jeunes juifs de France.
Tous, dit-il, face à la régularité obsédante d’informations accablantes, humiliantes se sentent concernés. J’ai fait, il y a quelques années, poursuit Jean Daniel, involontairement l’expérience de l’émotivité que peut enclencher un martèlement de l’information.
Nous avions, dans notre automobile, laissé la radio allumée. De temps à autre, nous changions de station. Chaque fois, de manière lancinante, nous entendions annoncer, sur le ton le plus froid, qu’un Palestinien avait été abattu dans tel ou tel endroit des territoires occupés. Et comme le journaliste, pour aller plus vite, ne précisait pas dans quelles conditions il avait été tué, le sentiment s’installait en nous que le meurtre d’un Palestinien était un événement ordinaire de la vie courante. Je me souviens d’avoir arrêté le moteur et dit à ma compagne : « si j’étais musulman, j’aurais envie de sortir de la voiture et de tirer sur n’importe qui ».
J’imagine très bien, aujourd’hui, qu’un jeune Français musulman, après avoir entendu ses parents, puis le prêche de l’iman de la mosquée et enfin un déluge d’informations sur les ennemis de l’islam, oui, j’imagine très bien quel sentiment d’humiliation et de révolte il peut éprouver.
Et Jean Daniel de conclure. En attendant qu’Obama puisse renverser la situation et puisque les médias, portent une lourde responsabilité, ils ont le devoir de restituer la complexité de cette véritable malédiction proche-orientale.
Quant aux représentants des grandes religions, ils ont eu bien raison de prendre enfin, en France, l’initiative d’inviter leurs fidèles à renoncer à toute violence.
Soit, mais que faire après l’horreur, demande ce matin Claude Imbert dans un éditorial du POINT.
Voilà 60 ans, écrit-il, que sur les collines inspirées par les messies du Dieu unique, ce conflit empoisonne le monde.
Et Imbert d’évoquer les laïcs palestiniens débordés, par des fous de Dieu jusqu’aux boutistes. Et parmi eux le Hamas qui veut la mort d’Israël.
Mais interroge l’éditorialiste du POINT, la solidarité islamique est-elle oui ou non dans les principes du Coran ? Est-ce une solidarité de crise, donc pas forcément inéluctable. Allez savoir !
En attendant poursuit Imbert, la rue arabe frémit de voir chaque jour des enfants palestiniens pantelants ou morts sur des civières. Le Hamas sait que le front médiatique, la guerre des images, nourrit l’écoeurement des masses. Et la disproportion spectaculaire de la riposte israélienne fera son jeu. C’est la disproportion fatale des guerres du faible au fort.
Et après voir rappelé où le Hamas cachait ses chefs et ses roquettes, dans les maisons, dans les écoles, dans les sous-sols des hôpitaux de Gaza. Imbert décrit, la répulsion pacifiste qui, selon lui, répond dans nos rues aux vœux du Hamas.
Une vaste répulsion pacifiste répond, dans la rue, aux vœux du Hamas. Portée, amplifiée par Al-Jazira, Internet et le bouche-à-oreille, l’horreur des « massacres » remue comme jamais, du Maghreb à l’Indonésie, l’immense communauté islamique.
En France, les quartiers sensibles bougent. Des juifs cachent leur kippa et certains, déjà, déménagent. Une foule de plus de cent mille personnes s’exaltait, à Paris, l’autre jour, contre Israël. Dans l’ultragauche, mais aussi dans tous les cafés arabes et sur les graffitis des murs, l’antisionisme se mue en antisémitisme déclaré. Une très sale pente !
Christophe Barbier dans l’EXPRESS, fait un pas de plus en invitant ses lecteurs, à chercher la vérité dans les décombres et dans ce qu’il appelle, la boue des mensonges et de la propagande.
Le Hamas, écrit-il, est un mouvement terroriste. Au grand jeu de la reculade et du marchandage, l’Occident a perdu trop gros. En matière d’islamisme, si elles acceptent le choléra pour éviter la peste, les démocraties mourront du choléra, tout simplement.