Claude Guéant était l'invité dimanche du "Grand rendez vous" sur Europe 1. Il a pratiqué son sport favori, la stigmatisation des immigrés qui profiteraient de la France mais en refuseraient les valeurs. "Contrairement à ce qu'on dit, l'intégration ne va pas si bien que ça, a dit le ministre, les deux tiers des échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés".
On se demande d'où il a sorti le chiffre. La France interdit les "statistiques ethniques". Peut-être s'est-il inspiré de la dernière étude Pisa de l'OCDE (portant sur le niveau des élèves de 15 ans), qui consacre un chapitre aux résultats des élèves issus de l'immigration.
"Dans la plupart des pays, souligne l'étude, les élèves autochtones surclassent les élèves issus de l'immigration". Et la France est plutôt mal placée. Elle fait partie des 13 pays où "les élèves de la première génération (nés à l'étranger de parents nés à l'étranger selon l'OCDE) courent au moins deux fois plus de risques d'appartenir" au groupe le plus faible que les "autochtones".
L'OCDE, qui n'est pas vraiment gauchiste, prend soin de souligner: "les élèves issus de l'immigration sont doublement pénalisés: ils vivent dans un milieu social défavorisé et fréquentent un établissement au profil socio-économique plus défavorisé - deux caractéristiques qui ont un impact négatif sur la performance des élèves".
Lors de la sortie du rapport en décembre 2010, les experts de l'OCDE avaient reconnu que les résultats français en général n'étaient pas fameux, et que l'école creusait aujourd'hui les inégalités sociales plus qu'elle ne les corrigeait.
Mais concernant les enfants d'immigrés, ils étaient plutôt optimistes, notant que les élèves de la deuxième génération (nés en France de parents nés à l'étranger) avaient commencé à combler le retard. "L'écart de résultats entre les élèves autochtones et ceux de la première génération est de 52 points en moyenne dans l'OCDE et de 78 points en France, avait expliqué Sophie Vayssettes, pour la seconde génération, il est de 33 points dans l'OCDE et de 55 points en France". Mais Claude Guéant a préféré retenir le mauvais côté des choses.
Le jour même de la sortie du rapport, le ministre de l'Education avait convoqué une conférence de presse pour commenter les résultats . Il avait déploré le blocage de l'ascenceur social. Mais n'avait rien dit des résultats des enfants d'immigrés.
L'effet recherché par Guéant parait clair: montrer du doigt une fois encore ces immigrés dont les enfants travaillent mal, que l'école de la République accueille à bras ouverts, qui font baisser les résultats, voire font prendre du retard à leurs camarades français de souche, et qui coûtent cher au pays.
Ces déclarations ont provoqué une vague de protestations, des lycéens de l'UNL, des parents d'élèves de la FCPE, des syndicats enseignants comme le SE-Unsa, le Sgen-CFDT, le SNUipp, etc.
Seule l'UNI (l'Union nationale inter-univeritaire, née en réaction après 1968) a applaudi des deux mains: "Encore une fois, plutôt que d’user d’arguments, les flics de la pensée crient à l’extrémisme et ressassent leur discours plein de présupposés idéologiques. Pourtant, Claude Guéant a raison de constater que l'échec scolaire touche beaucoup plus fortement les enfants d'immigrés. "
"L’ensemble des pays de l’OCDE connaissent des phénomènes d’immigration, poursuit l'UNI, cependant, tous ne connaissent pas le même taux d’échec scolaire que la France parmi les populations issues de l’immigration. L’explication est probablement à chercher dans les natures différentes de ces immigrations notamment d’un point de vue socio-économique".
"Ainsi la Finlande, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Portugal, l’Espagne, le Royaume-Uni et la France pratiquent des politiques migratoires peu sélectives et connaissent des écarts de résultats (entre élèves autochtones et issus de l'immigration) importants. A l’inverse, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande et Etats-Unis sont des pays où la politique d’immigration favorise les plus qualifiés. L’écart de résultats y est alors beaucoup plus faible.
En conclusion, l'UNI propose ses solutions: "une politique migratoire mieux encadrée, une politique d'assimilation plus ferme dans ses principes ainsi qu'un accompagnement éducatif renforcé". Claude Guéant n'aurait pas dit mieux.