Le salut de la zone euro passe par une plus grande intégration bancaire, monétaire et budgétaire. On pressent à la veille du conseil européen des 28 ou 29 juin où Paris et Berlin rivalisent de propositions, sur fond de crises budgétaire ou bancaire aigües en Italie, Espagne et Grèce. Elles sont différentes, elles aboutissent à donner aux instances communautaires un contrôle beaucoup plus étroit sur les banques et les budgets des Etats membres .
Le paradoxe est que ce mouvement d’intégration s’effectue à marche forcée, sous la pression des marchés financiers, au moment où l’idée fédérale est en nette perte de vitesse dans les discours politiques .C’est particulièrement vrai en France où la campagne présidentielle a ressemblé au match retour du référendum de 2005 qui s’était soldé par un non franc et massif au traité constitutionnel européen .
Les centristes, qui étaient les plus prompts à porter l’idéal européen, ont comme disparu du débat politique.Nicolas Sarkozy a axé sa campagne sur la reconquête de la France du Non.François Hollande, européen convaincu, a fait appel, pour rédiger ses discours de campagne, à Aquilino Morelle, un proche d’Arnaud Montebourg , partisan du non en 2005 et qui l' a suivi, depuis, à l’Elysée comme conseiller .
Au gouvernement, de nombreux ministres appartiennent au camp du non, à commencer par Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, dont on imaginait avec peine le retour politique à ce poste, tant son comportement avait indisposé les européens.
On pressent déjà toute la difficulté politique que va poser ce hiatus entre le mouvement intégrationniste provoqué par la crise et accentué par les marchés et le manque d’adhésion de l’opinion.Dans un premier temps, ce sera le soulagement d’avoir évité le pire, c'est-à-dire l’éclatement de la zone euro avec son cortège de faillites bancaire et budgétaire engendrant mécaniquement du chômage et des pertes de pouvoir d’achat .
Dans un second temps , ce sera le sentiment d’une dépossession politique, exploité par les populistes de tous poils qui exalteront le bon vieux temps , celui des frontières nationales .A moins qu’entre temps, l’Europe réalise qu’elle doit changer de politique économique, infléchir le dogme de la concurrence, protéger sa production beaucoup mieux qu’elle ne le fait aujourd’hui et soutenir la croissance autant qu’elle le peut .Auquel cas la construction européenne pourra se prévaloir d’être portée par une nouvel idéal politique, sorte de synthèse entre les arguments du oui et ceux du non.
C'était le pari politique de Nicolas Sarkozy.
Ce sera aussi celui de François Hollande, sorte de course poursuite entre la crise démocratique et les lenteurs européennes .