Contrairement à ce que peuvent laisser penser les polémiques récurrentes sur les déserts médicaux, la France ne manque pas de médecins, comme le montre la nouvelle édition de l’Atlas du Conseil national de l’Ordre des médecins. Jamais les médecins n’ont été si nombreux, même si le nombre de ceux qui sont en activité et inscrits au tableau de l’Ordre au 1er janvier 2013 a légèrement diminué (0,12% par rapport à 2012). "Ce sont les retraités qui augmentent les effectifs", précise l’ordre des médecins.
Les médecins sont surtout mal répartis en France : d’abord géographiquement, comme le souligne l’Ordre. Les déserts médicaux ne sont pas qu’en Creuse, où la petite ville de Sainte Feyre cherche depuis des mois à remplacer le généraliste parti à la retraite. Ils sont aussi à moins de deux heures de Paris, dans l’Eure (101 généralistes pour 100.000 habitants) par exemple. En revanche, un département montagnard et éloigné de la capitale comme les Hautes Alpes compte 207 médecins pour 100.000 habitants, une proportion comparable à celle de Paris.
Ce que ne souligne pas l’Ordre, mais que l’UFC Que Choisir pointait en octobre dernier, c’est que lorsqu’on combine les spécialités et les tarifs, bien des patients sont confrontés à une autre forme de désert médical : la pénurie de médecins au tarif sécu. D’après l’enquête de l’association de consommateurs, 80% des Français n’ont ainsi pas accès facilement à des ophtalmologistes ou des gynécologues au tarif remboursable. A Orléans, le Havre ou Mulhouse, on peine à trouver des pédiatres sans dépassement. Officiellement, la ministre de la Santé a exprimé sa volonté d’en finir avec les dépassements. Il est trop tôt pour savoir si l’accord tripartite pour les maîtriser sera efficace.
Quant aux déserts médicaux "géographiques", les mesures – incitatives - régulièrement adoptées pour tenter de faire venir les praticiens dans ces zones, ont généralement échoué. "Et se sont révélées très coûteuses", selon un rapport de la Cour des comptes. Est-ce que les 12 engagements de la ministre de la Santé Marisol Touraine, annoncés en décembre pour pallier aux déserts médicaux, seront efficaces ? Rien n’est moins sûr. Faire faire des stages à des étudiants en médecine chez des généralistes libéraux ? Pourquoi pas. Mais les étudiants qui ont pu faire ces stages vous expliquent que la vision du généraliste épuisé et débordé aurait plutôt tendance à les décourager. Distribuer des bourses à des étudiants en médecine qui s’engageront à aller dans ces zones ? Des collectivités locales le font déjà, mais ces offres ont très peu de succès. L’encouragement à la création de maisons de santé pluridisciplinaires est certainement une bonne idée. Mais à chaque fois, sur le terrain, elles peinent à se mettre en place. Restent la télémédecine, ou le renforcement des hôpitaux de proximité… Mais toutes ces mesures ne seront efficaces de toute façon qu’à moyen ou long terme..
En attendant, il y aura des déserts médicaux tant que des systèmes de régulation n’auront pas été imaginés, tant que d’autres formes de paiements des médecins généralistes (qui n’en peuvent plus de leurs 50 heures de travail, de leurs tâches administratives surtout à la campagne) n’auront été inventés, bref tant qu’une profonde réforme de l’architecture de notre système de santé n’aura pas été élaboré