Nicolas Sarkozy ne laissera pas dire que sa grande promesse de campagne de 2007, le pouvoir d’achat, n’a pas été tenue. Pour cela, le Président est prêt à beaucoup de mauvaise foi. Vendredi, il a affirmé lors d’une table ronde : «Pendant la crise, même si personne ne le croit, les statistiques sont formelles : le pouvoir d’achat a progressé.» Le ministre de l’Industrie, Eric Besson, l’avait dit dans les mêmes termes la veille, sur Europe 1 : «Le président de la République est resté, malgré la crise, le président du pouvoir d’achat. Un certain nombre de Français ont souffert de la crise, incontestablement. Mais, globalement, malgré celle-ci, le pouvoir d’achat moyen des Français a continué à augmenter, même pendant la période la plus rude de la crise.» Fin juin déjà, Sarkozy s’était livré à un numéro sur le même thème lors d’une conférence de presse, prenant à témoin les journalistes présents
«Est-ce que je me trompe ?» demande le Président. Oui, il se trompe. Et trompe les Français. L’arnaque se situe dans le choix de l’indicateur. Nicolas Sarkozy se réfère à l’évolution du pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages français. Cet indicateur pointe effectivement à la hausse depuis 2007, avec une croissance de 0,4% en 2008, 1,3% en 2009 et 0,8% en 2010.
Le problème est que cette statistique ne traduit pas la progression moyenne du pouvoir d’achat des Français, pour la raison simple qu’elle ne tient pas compte de l’évolution démographique. C’est comme si Sarkozy se félicitait de voir grossir un gâteau en omettant de préciser qu’il y a aussi de plus en plus de gens à se le partager.
Il en ressort alors que le pouvoir d’achat moyen des Français a nettement moins bien résisté à la crise que ce qu’en dit le Président. Ainsi, le pouvoir d’achat par ménage a baissé de 0,6% en 2008 et de 0,2% en 2010. Les dépenses «nécessaires» ou «préengagées» (loyer, eau, gaz, électricité, services de télécommunications, frais de cantine, etc.) prenant de plus en plus de place dans le budget des Français, l’idée est de voir ce qui reste à la fin. En 2008 et 2010, le pouvoir d’achat du revenu arbitrable a baissé, que ce soit par ménage (-1,2% et -0,4%) ou par unité de consommation (-0,8% et -0,1%).
Autant d’indicateurs, pourtant disponibles sur le site de l’Insee, que Nicolas Sarkozy ignore pudiquement. Cette manipulation est d’autant plus cynique que le Président avait fait de la mesure du pouvoir d’achat un enjeu personnel. En novembre 2007, celui qui était alors le tout neuf président du «travailler plus pour gagner plus» s’en était pris aux indices de l’Insee, jugés trop éloignés du ressenti des Français : «Les gens qui font leurs courses voient parfaitement que la vie a augmenté beaucoup plus vite que n’augmentent leurs revenus. Je demande qu’on crée un indice du pouvoir d’achat qui corresponde enfin à la vie quotidienne des Français, pour qu’ils aient le sentiment qu’on ne se moque pas d’eux, pour qu’on ne leur raconte pas de fariboles.» Résultat : quatre ans plus tard, c’est Nicolas Sarkozy qui en est réduit à raconter des «fariboles» sur le pouvoir d’achat des Français pour tenter de défendre son bilan.