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Le blog de Eric de Falco

Le blog de Eric de Falco

conseiller général du 1° canton de Rouen


Générations perdues

Publié par Eric de Falco sur 3 Mai 2013, 06:47am

Noé (1), 4 ans, filait le parfait amour avec une petite copine, et c'était bien mignon. L'inconstante s'est entichée d'un autre : il lui a arraché une boucle d'oreille, et un bout de lobe avec. Gaspard, 12 ans, en cinquième, ex-très bon élève, vient d'inventer un nouveau jeu : quand un élève crie : "Autruche !", toute la classe se planque sous les bureaux. Marie, 17 ans, en terminale littéraire, se vernit soigneusement les ongles pendant les cours. Colère incontrôlée, chahut, incorrection... devant leurs diables des bancs d'école, les parents sont estomaqués. Rien de dramatique ni même de vraiment grave pour l'heure. Pas encore d'agressions spectaculaires, mais une rébellion permanente, un état de tension, une violence en germe qui peut laisser craindre le pire.

C'est le leitmotiv des psys : le mieux est l'ennemi du bien. A trop vouloir respecter la personnalité de leur merveille, les parents engendrent des enfants qui refusent les limites.

 Ils ont confondu l'affirmation de Dolto 'l'enfant est une personne' avec 'l'enfant est une grande personne' qui fait ce qu'elle veut quand elle veut", estime Patricia Chalon, psychologue et coauteur de " Mon enfant tape" (Ed. Eyrolles)

 Le bébé est comblé et c'est normal, mais ça dure trop. "Chaque besoin de l'enfant est satisfait, il n'a jamais de manque, constate Edith Tartar Goddet, psychosociologue et auteur de "Prévenir et gérer la violence en milieu scolaire" (Ed. Retz). Il vit donc l'école comme une source de frustrations qui lui font violence. Il se sent victime et réagit pour se défendre." Pis, à être constamment sur son dos, ses géniteurs l'étouffent. "Si un enfant ne sait pas se concentrer, c'est qu'on se concentre trop sur lui", résume le psychanalyste Alain Bouregba, auteur des "Troubles de la parentalité" (Ed. Dunod).

 Les parents écoutent patiemment leur enfant, même quand il interrompt les adultes, lui donnent voix au chapitre sur tout, négocient sans cesse. "Cela donne des ados à l'hyperego, qui me disent : 'Mais on me coupe la parole !'", dénonce Didier Pleux, psychologue et grand pourfendeur de l'"enfant roi" (2). "L'enfant d'un milieu favorisé va chercher la faille du prof pour montrer qu'il en sait plus que lui. C'est de la violence en col blanc."

 Et, quand vient l'heure des convocations, les parents, surpris, s'énervent pour défendre leur progéniture. "Beaucoup dédouanent désormais leur enfant, constate Isabelle Lambert, principale adjointe d'un collège toulousain, trente ans de service. Une maman dont la fillette en harcelait une autre s'est montrée très agressive quand je l'ai appelée."

 C'est toujours la faute de l'école, jamais assez motivante, des profs, pas assez inventifs pour capter l'attention des petits zappeurs. D'autant que le maelström technologique où leurs ados évoluent comme des poissons dans l'eau effraie aussi les parents. "Ils se disent incompétents", entend répéter de consultation en consultation Pascal Auger, médiateur familial. Alors les parents prennent peur. Des images pornos sur internet, des harceleurs sur Facebook, des prédateurs dans la rue. Et l'adulte qui se rêvait en "daddy cool" finit par se muer en caporal-chef anxieux qui dit non à tout. "Ils basculent d'une grande passivité à des coups de colère pour reprendre le pouvoir, remarque Didier Pleux. Mais l'autorité, c'est de ne pas le donner."

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