Le gosse regarde la pancarte, puis sa mère: "Maman, c'est quoi le capitalisme?" "Et bien... C'est que les gens qui ont peu d'argent travaillent pour ceux qui en ont déjà beaucoup". Regard dubitatif du môme, qui s'éloigne avec sa génitrice au milieu de la foule.
Place de la Bastille, dimanche après-midi, à Paris. Ils sont près de cinq cents "indignés", la plupart des jeunes, à avoir répondu à l'appel de l'"assemblée générale" du 27 mai pour "une insurrection civique, pacifique, et apartidaire". Leur modèle: le mouvement espagnol de la Puerta del Sol à Madrid, qui depuis le 15 mai exige une "démocratie réelle", et dénonce les mesures d'austérité liées à la crise.
A Paris, ils sont encore peu nombreux, mais dans un joyeux bazar autogestionnaire se retrouvent chaque soir depuis dix jours sur cette place symbolique de la capitale. A la sono cet après-midi, les intervenants se relaient pour dénoncer le système financier international, la "fausse" démocratie, ou encore la loi Lopsi 2 sur la sécurité intérieure.
"Ils cassent les services publics de la santé, de l'école, ou encore les retraites, dénonce Kamel. Mais la vraie démocratie, elle est là, pas au Parlement". Nicole, militante à Attac, en veut, aux "banksters", qui "depuis 2008 continuent de se gaver". Avec ses copines, elle chante au micro, sur l'air les "copains d'abord", une chansonnette contre la finance internationale.
Les militants politiques, souvent d'extrême gauche, sont bienvenus, mais sans étiquette ostentatoire. "Grèce générale", ou "Paris, réveille-toi", peut-on lire sur les pancartes posées sur les marches de l'Opéra.
Après dix jours d'occupation diurne, l'organisation aussi se met en place. Des commissions ont été instituées, qui préparent les décisions soumises à l'assemblée générale quotidienne.
En fin de journée, les "indignés" devaient décider ou non de planter les tentes. "On va voir si on peut rester cette nuit, espère un manifestant. Mais c'est peut-être un peu tôt, nous ne sommes pas encore assez nombreux". Un peu plus tôt, la police a stoppé net la volonté des manifestants de couper la circulation sur la place. Encerclés par les forces de l'ordre, "les indignés" sont confinés, pour l'instant, devant l'Opéra et une partie de la chaussée.
A 21h30, la police a décidé d'évacuer les "indignés" de la place de la Bastille, à coup de lacrymogènes.