Le racisme est une expression constante dans toute structure anthropologique ; il n'y a pas une société qui en soit exempte. La vraie question, c'est à quoi sert cette expression et surtout comment on en vient à ne plus la contrôler. Nous sommes dans une période où l'inflation et le caractère délirant du racisme prennent, en France, des proportions inquiétantes. L'histoire de notre pays, les anciennes colonies en Afrique du Nord et les migrations post-décolonisation expliquent en partie l'existence de sentiments anti-Arabe et anti-musulman en France.
Par ailleurs, nous sommes constamment confrontés à des transformations dans nos sociétés, qui évoluent en accéléré. Les changements concernant le travail, l'éducation, les sujets de société, etc., sont des épreuves permanentes auxquelles les individus doivent faire face. Il ne s'agit pas là d'effets conjoncturels de la crise, mais d'un champ bien plus vaste. Ces évolutions permanentes peuvent entraîner un sentiment d'anxiété et d’impuissance chez l'individu, qui va alors chercher un mode de compensation, de consolation. Or le racisme s'y prête parfaitement : il confère un sentiment de toute-puissance par l'humiliation, l'avilissement de l'autre. C'est une alternative viable à l'impuissance et l’incertitude. Il conviendrait donc de s'interroger sur la façon dont les individus sont mis en capacité, ou pas, d'affronter les évolutions de nos sociétés.
Aujourd'hui, en France, il est plus difficile de ne pas manger de porc à la cantine qu'il y a 20 ans. Une situation qui ne posait aucun problème auparavant est devenue gênante. On le voit bien dans les études qualitatives commandées par la Commission nationale consultative des droits de l'homme pour compléter son rapport : 55% des Français estiment qu’il ne faut pas faciliter l’exercice du culte musulman en France. On peut y ajouter cette enquête de l'Ipsos du début de l'année révélant que 74% des Français jugent l'islam comme étant "intolérante et incompatible avec la société française". Du coup, on dénie aux musulmans, entre autres, le droit de manger selon la règle de leur religion et ce au nom de la laïcité. Celle-ci, entendue comme principe de gouvernement et non comme idéologie menacée, n'implique pourtant aucunement de telles mesures.
L'islamophobie revêt aujourd'hui les habits neufs de l'antisémitisme. Elle devient une sorte de patriotisme, une façon d'exprimer le fait d’aimer et de protéger son pays : un racisme vertueux. C'est exactement sous cette forme que s'est exprimé l'antisémitisme chrétien au cours de notre Histoire.
Il n'y a racisme que si un groupe est en pouvoir de nuire et que l'autre n'est pas en mesure de riposter à la hauteur.