Eva Joly, qui fait preuve d’un amateurisme gênant pour EELV et le PS, devrait prendre une leçon de cynisme auprès de Sarkozy. En professionnel de la politique prêt à tous les reniements, toutes les contre-vérités pour gagner en 2012, il fournit aux hommes et femmes politiques débutants, un véritable florilège de ses talents à l’occasion du débat sur le droit de vote des étrangers non européens.
Devant 3.000 "petits maires" invités à l’Élysée mercredi 23 novembre pour tenter de désamorcer la colère qui les a conduits à donner le Sénat à la gauche, le président candidat a repris au vol la proposition de loi constitutionnelle qu’entend présenter le Parti socialiste le 8 décembre sur le droit de vote aux élections locales.
Pour se justifier, Sarkozy affirme : "Une telle proposition me semble hasardeuse (...) parce qu'elle risque de diviser profondément les Français au moment où, plus que jamais, nous avons besoin de les rassembler."
Voilà un argument étrange dans la bouche d’un président qui, lorsque son intérêt l’exige, n’hésite pas à monter les Français les uns contre les autres, et à désigner les boucs émissaires. Rien que ces dernières semaines, il a montré du doigt "les fonctionnaires", coupables de creuser les déficits publics, en les opposant aux salariés du privé en danger de délocalisation et de perte d’emploi ; il a aussi désigné les "faux malades" comme responsables du déficit de la Sécurité sociale en lançant la chasse aux fraudeurs ; il a encore mis en concurrence de manière malsaine les chômeurs et les salariés pauvres, en laissant Laurent Wauquier proposer de réserver les logements sociaux "à ceux qui travaillent".
En fait, quand Sarkozy évoque son souci d’éviter "le risque de diviser les Français", il faut comprendre que son but est exactement le contraire : diviser les Français selon le traditionnel clivage "gauche-droite", dans le seul but de rassembler la droite, et cela jusqu’aux électeurs du Front national.
"Je ne veux pas que les Algériens ou les Marocains fassent la loi dans mon pays !" C’est le cri du cœur que l’on peut trouver sur les tracts diffusés mercredi 23 novembre, par les députés UMP de la Droite populaire. Une opération concertée donc, entre l’UMP et le candidat Sarkozy, comme le reconnaît un proche de l’Élysée : "Après le nucléaire et l'accord laborieux conclu entre le PS et les Verts, il faut mettre le paquet contre le droit de vote des étrangers. Pour les électeurs du Front national, ce sujet sert de marqueur entre la gauche et la droite." Et de poursuivre : "Aujourd'hui, on est à 35 % de report de voix frontistes sur l'UMP. Il faudrait atteindre un report de 75 %."
Sarkozy, qui est bien évidemment en campagne pour 2012, change d’avis sur le vote des étrangers au gré des événements, en fonction de l’air du temps et selon l’évolution de sa cote et de celle de ses adversaires dans les sondages. Or les lois les plus importantes ont toujours été votées contre l’opinion générale. Il suffit de se souvenir de la légalisation de l’avortement sous Giscard et de l’abolition de la peine de mort sous Mitterrand
Sarkozy, qui gouverne avec les sondages, devrait cesser d’avoir peur au vu de cette enquête. Il devrait cesser de se renier ouvertement, face aux Français qui n’ont pas la mémoire courte.
Celui qui vitupère aujourd'hui contre la proposition d'octroyer le droit de vote aux étrangers aux élections municipales est le même qui, le 25 octobre 2005, expliquait dans une interview au Monde 'qu'il ne serait pas anormal qu'un étranger en situation régulière qui travaille, paie des impôts et réside depuis au moins 10 ans en France, puisse voter aux élections municipales
Mais Sarkozy n’est pas Eva Joly. Par son comportement de girouette, il lui donne indirectement une leçon de pragmatisme : pas question de contrarier son camp en lui imposant des idées qui fâchent. Peu importe les méthodes, les reniements, les contre-vérités, ce qui compte, après tout, c’est de gagner et ce, quel qu’en soit le prix.