Dix ans à peine après sa création, la zone euro est-elle menacée d'éclatement? Les marchés financiers le redoutent, s'inquiétant des déficits publics qu'ils jugent intenables de certains pays européens. Après avoir focalisé leurs craintes sur la Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Italie sont, eux aussi, devenus des sujets de préoccupations.
Jeudi 4 février, les places financières ont fortement baissé: –5,94% pour la Bourse de Madrid, –5% pour celle du Portugal tandis que les places grecque et italienne cédaient 3,3% et 3,5%. Vendredi, la baisse se poursuivait.Madrid reculait de 1,65%, Lisbonne de plus de 2%. Les turbulences financières se sont aussi, et surtout, manifestées sur les marchés des changes. L'euro s'enfonce chaque jour davantage. Vendredi, la monnaie unique s'échangeait contre 1,3648 dollar, un niveau inédit depuis huit mois.
Les experts du gérant obligataire Pimco conseillent désormais "de se tenir à l'écart de l'euro". Et le dollar, que l'on croyait menacé d'effondrement, retrouve son statut de valeur refuge. Certains analystes estiment en effet que le niveau d'endettement actuel dans la zone euro ne peut être résorbé par la croissance attendue, trop molle. La reprise pourrait être compromise.
La nervosité des investisseurs s'est aussi illustrée sur le marché des dettes souveraines de ces Etats. Désormais, la Grèce doit emprunter à 10 ans au taux de 6,7 %. Autrement dit, le pays
suscite une telle défiance qu'il doit payer une prime de risque de 3,6 % par rapport à l'Allemagne, la référence du marché. Mercredi, le Portugal a de son côté peiné à attirer suffisamment
d'investisseurs pour sa dernière émission d'obligations.
Les deux pays sont sous pression des agences de notation. A en croire les rumeurs qui agitent les marchés, Fitch et Moody's pourraient imiter Standard&Poor's qui, dès décembre2009, a abaissé la perspective de la dette de l'Espagne de "stable" à "négative".
Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a tenté de rassurer, affirmant, jeudi, que les situations de ces deux pays
"ne sont pas un risque". Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE), a de son côté assuré qu'il n'y aurait "aucune exception" aux règles budgétaires
européennes. Il témoignait ainsi de sa confiance en la capacité de la Grèce et des autres pays européens à rentrer rapidement dans les limites requises par le pacte de stabilité européen. Les
critères de Maastricht fixent à 3 % le niveau maximal de déficit public et à 60 % celui de l'endettement de l'Etat.
Mais ces propos rassurants s'opposent à ceux du prix Nobel d'économie Paul Krugman, pour qui "la plus grande difficulté pour la zone euro n'est pas tant la Grèce que l'Espagne". La même tonalité alarmiste se retrouve dans l'analyse de l'économiste américain Nouriel Roubini: "Si la Grèce est un problème, l'Espagne pourrait être un désastre parce qu'elle est la quatrième économie de la zone", a-t-il indiqué.
Pour sortir de la crise, éviter la catastrophe, les Etats ont en effet financé à coup de centaines de milliards de dollars, d'euros ou de yens, le sauvetage de leurs économies.
Pour M. Brossard, le problème n'est pas circonscrit à l'Europe mais s'étend ainsi à tous les pays de l'OCDE. Il n'est plus rare, souligne-t-il , de voir des niveaux d'endettements publics y atteindre 80% à 90% du Produit intérieur brut (PIB), avec des déficits publics de l'ordre de 6% à 7 %.
Le Fonds monétaire international (FMI) précise d'ailleurs que le déficit global de la zone euro reste inférieur à celui d'autres pays comme les Etats-Unis ou le Japon.