«En tout homme, il y a une lumière qu'il faut rallumer, même si c'est au chalumeau..»
Ce citoyen congolais qui a grandi dans trois guerres civiles est le premier artiste africain associé au Festival d’Avignon. Il mesure combien sa présence est un symbole et une responsabilité en ces temps où le marché du spectacle et ses programmateurs «néo-colons» imposent souvent au théâtre africain fauché un modèle destiné à l’exportation. Ce n’est pas le cas, heureusement, à Avignon.
Enfant, il découvre les livres dans la vaste bibliothèque de son père, un grammairien, un ami de Léopold Sédar Senghor, «un puriste de la langue française pour qui déplacer une virgule était la fin du monde.»Il écrit des poèmes et regarde des films avec ce père qui admire Fernandel, Jean Gabin, Charles Bronson. L’adolescent veut jouer, se forme au théâtre de Brazzaville. Vient le temps des guerres, de la peur, des camps, de la fuite dans les forêts:
Il n’y avait plus rien, j’étais mon seul héritage. Je me sers donc de moi-même, j’écris et je joue pour donner des ailes et des pieds à ce qui est tassé sur une feuille. Et je deviens metteur en scène, car le théâtre est le plus complet des arts. Il reste ce flambeau toujours allumé, qui réveille l’être et remet de la vie.
La paix revenue, Dieudonné Niangouna fonde à Brazzaville sa compagnie Les Bruits de la rue, puis le festival Mantsina, pour «recréer du public, former des jeunes.» Désormais, il joue et met en scène souvent en Europe, mais revient toujours au pays natal pour entraîner ses compagnons de création «afin que chacun sache d’où je parle, et de quel écosystème.»
L’équipe de «Shéda» en a fait l’expérience, qui compte des Français, des Belges, des Camerounais et des Burkinabés. Tous ont regardé les films de Jean Rouch au pays dogon, dansé dans les boîtes de Brazzaville, marché pour dormir au bord d’un lac, mangé du crocodile, bu des bières, raconté leurs souvenirs «du Jura ou d’ailleurs», lu des mythes, dont celui de Prométhée, «ce gars qui a piqué le feu des dieux pour aider les hommes.»
Ainsi s’est formé un «chœur» capable de jouer «Shéda», une histoire que Niangouna, «fils des Grecs et du Congo, de la langue française et du lari», porte en lui depuis dix ans. Dans un désert de pierres errent des thaumaturges; ils viennent d’époques, de pays différents, ils n’ont plus de mémoire, ils n’éprouvent plus rien. Dieudonné Niangouna a choisi sa méthode douce. Le souffle doit pousser les mots comme des projectiles, et les phrases comme des avancées de la lumière. Les langues n’ont ni drapeau, ni hymne national, ni frontières. Leur puissance est immense.»