Henri Guaino ne connaît manifestement pas les traités européens .Le conseiller spécial de l’Élysée répète ce qu’il avait déjà fait dire à son Président, lors du meeting de Villepinte du 11 mars, à savoir qu’on « peut parfaitement suspendre les accords de Schengen jusqu’à ce que ceux-ci aient été réformés ». Avant de parler, il vaut mieux se renseigner voire, soyons fous, lire les textes.
Non, on ne peut pas « suspendre » comme on le veut les « accords de Schengen ». D’abord, les « accords de Schengen » n’existent plus : la convention d’application de l’accord de Schengen, signé en 1990, entrée en application en 1995, a été introduite dans les traités européens par le traité d’Amsterdam de 1997 (négocié par Jacques Chirac et Lionel Jospin). Ensuite, le traité prévoit certes une clause de suspension, c’est-à-dire de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, mais pour une durée limitée à quelques jours et si des circonstances exceptionnelles l’exigent. Le tout sous le contrôle de la Cour de justice européenne.
Enfin, comme le remarque le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, « des pays d’Europe » ne sont pas membres de Schengen. Mais c’est parce qu’ils ont négocié une clause d’opt out qui leur permet de rester à l’écart de la libre circulation : il s’agit de l’Irlande et du Royaume-Uni. La Bulgarie, la Roumanie et Chypre ne sont pas encore intégrés, car ils ne remplissent pas les conditions nécessaires. En revanche, des pays non membres de l’UE sont membres de l’espace Schengen : Norvège, Islande, Liechtenstein et Suisse. Tous ceux qui sont admis dans l’espace Schengen ne peuvent le « quitter » ou le « suspendre » pas plus qu’on ne peut quitter ou suspendre la zone euro, la politique agricole commune ou la politique de concurrence : il s’agit d’un acquis communautaire.
Bref, ce que propose Henri Guaino c’est que la France se mette hors la loi, en toute simplicité. Un magnifique exemple au moment où, justement, la France et d’autres reprochent à la Grèce de ne pas avoir respecté la discipline commune en matière budgétaire. L’Union est bâtie sur le respect de la norme : s’en affranchir, c’est menacer l’ensemble de l’édifice, Guaino, indécrottable souverainiste le sait très bien.
Donc, manifestement, le cher Henri ne veut plus que les immigrés en séjour légal dans un autre pays européen puissent se rendre librement en France pour un séjour de moins de trois mois, en vacances par exemple. Mais, alors, comment s’en assurer ? En remettant des policiers aux frontières de la France évidemment. On voit d’ici le nombre d’embauches de fonctionnaires qu’il va falloir réaliser : les 60.000 profs tant reprochés à François Hollande sont de la petite bière à côté…
Les États-Unis ont bâti un mur qui les sépare du Mexique avec le succès que l’on sait. Tous les policiers vous le diront : Schengen est une remarquable réussite. Il a permis de mutualiser les moyens de lutte contre l’immigration clandestine et, pour la France, de reporter une grande partie de la charge des contrôles sur ses voisins .
Bref, Guaino ment et agite des fantasmes d’invasion et d’insécurité venue d’ailleurs. Quand on n’a plus d’idée, quand on a beaucoup échoué en matière économique, on agite le spectre de l’étranger. Pathétique.