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Le blog de Eric de Falco

Le blog de Eric de Falco

conseiller général du 1° canton de Rouen


Quels emplois pour quelle réalité?

Publié par Eric de Falco sur 28 Novembre 2010, 08:08am

Catégories : #politique nationale

Le gouvernement veut récupérer 300 millions d’euros en réduisant les subventions fiscales accordées aux ménages qui embauchent du personnel à domicile. Cette politique est socialement injuste et inefficace.

 

En mars 2009, le secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi, Laurent Wauquiez, vantait les mérites de son « plan 2 des services à la personne», dans la foulée du « plan Borloo » déclaré un grand succès en matière de créations d’emplois. Ce nouveau plan créerait 100 000 emplois supplémentaires chaque année, grâce à des aides publiques encore plus généreuses. Désormais, rigueur oblige, le ministre du Budget François Baroin justifie la suppression de l’abattement de 15 points sur les exonérations sociales, proposé jusqu’ici aux ménages qui embauchent du personnel à domicile.

 

A vrai dire, le manque à gagner pour l’Etat reste très modeste, de l’ordre de 300 millions d’euros, à comparer avec 7,8 milliards d’euros de subventions fiscales accordées en 2007. On aurait envie que le gouvernement aille plus loin et reconsidère sa politique de l’emploi, tant ces subventions sont non seulement socialement injustes mais coûteuses : selon l’Insee, le coût fiscal des réductions d’impôt accordées aux utilisateurs de services à domicile se révèle nettement plus onéreux que ce qu’aurait été le financement direct par l’Etat des emplois créés par cette mesure. En outre, 70 % des aides fiscales bénéficient au dixième le mieux loti de la population.

La création d’« enseignes » nationales permettant aux particuliers de faire appel à tout moment, pour des demandes ponctuelles ou à fréquence déterminée, à des organismes capables de mobiliser le personnel nécessaire pour y répondre ressemble étrangement à des pratiques d’un autre âge.

 

Au total, des services à domicile moins coûteux pour les usagers, des facilités plus grandes d’accès, des aides par les employeurs encouragées par une fiscalité incitative : tous les ingrédients du succès étaient réunis.

 

Et ce fut effectivement un succès. Face à une offre ainsi stimulée, la demande a été au rendez-vous. Fin 2008, on comptabilisait 16 000 organismes agréés, des associations pour la plupart, mais aussi près de 6 500 entreprises privées et un certain nombre d’organismes publics (centres communaux ou intercommunaux d’action sociale notamment), et, surtout, un très grand nombre de personnes employées en « gré à gré », c’est-à-dire directement par les usagers (qui sont alors des « particuliers employeurs »). Entre 2003 et 2008, le nombre d’heures de travail déclarées dans le cadre des services à la personne (hors assistants maternels) est passé de 620 à 800 millions, et le nombre de salariés concernés est passé de 960 000 à 1,32 million (1,6 million en comptant les assistants maternels). Mais on voit tout de suite le revers de la médaille : chacun de ces nouveaux emplois correspond en moyenne à dix heures hebdomadaires. Certes, en moyenne, chaque salarié compte 2,2 employeurs. N’empêche : en 2006, un salarié sur deux a travaillé moins de 227 heures dans l’année et a gagné moins de 1 700 euros nets (140 euros par mois).

 

Ce type d’emploi est donc une source importante de paupérisation salariale. Et ceci grâce à une aide massive de l’Etat. En effet, chaque heure travaillée fait l’objet de réductions de cotisations sociales et de réductions d’impôts de l’ordre de 10 euros, sans compter les exemptions sociales et fiscales. Si l’on fait le compte, hors garde d’enfants et aide aux personnes âgées, le plan 1 coûte aux contribuables de l’ordre de 5 milliards d’euros par an[2], pour environ 70 000 créations d’emplois par an, dont la majorité sont paupérisant.

 

Certes, la majorité des services à la personne, qu’il s’agisse de l’aide aux personnes âgées à domicile ou de la garde d’enfants, est d’une utilité sociale cruciale. Stimuler leur développement permet donc à la fois de satisfaire des besoins sociaux et de créer des emplois. Mais encore faut-il que le travail des salariés concernés soit reconnu socialement et que la manière de rendre ces services soit la meilleure possible. Jacques Delors et Michel Dollé proposent la mise en place d’un service public de l’enfance accessible à tous et rendu par une diversité d’acteurs. Il permettrait en outre de créer des emplois de qualité. Le choix effectué de subventionner les employeurs et les utilisateurs plutôt que les services rendus fini par coûter très cher à la collectivité, aide financièrement en majorité ceux qui n’ont pas vraiment besoin de l’être, laisse de côté une grande partie de ceux qui en auraient besoin et aboutit à multiplier les emplois de mauvaise qualité. Est-ce bien raisonnable ?

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