Noir c’est noir. Tel est le diagnostic de la Commission Attali 2. en place en juin 2007, à la demande de Nicolas Sarkozy, ce groupe de travail chargé de réfléchir aux moyens de « libérer la croissance » en France, a rendu un premier rapport en janvier 2008, dans lequel figuraient plus de 300 propositions. La Commission a été réactivée par l’Elysée en février pour prolonger ses réflexions en tenant compte de la crise financière et économique mondiale. Ses 43 membres ont donc repris le chemin des réunions de travail, toujours sous la présidence de Jacques Attali.
Le livre que vient de publier ce dernier, « Tous ruinés dans dix ans ? » (éditions Fayard), résume bien la tonalité des débats. Un document de travail confidentiel de la Commission daté du 14 mai, confirme ce changement de tonalité. Fini l’optimisme de la commission première mouture, qui donnait des recettes pour inverser le « déclin relatif » de la France. Cette fois, Jacques Attali fustige le gouvernement qui a tardé à appliquer une partie des préconisations – notamment celles qui concernent les finances publiques, la réforme de l’Etat et des collectivités territoriales ou encore l’emploi et la formation- et prévient qu’il faut un remède de cheval et une forte cohésion sociale pour éviter l’ « impasse économique, financière et sociale » à l’horizon 2020. Un pré-rapport, inspiré de ce document de travail, doit être remis à Nicolas Sarkozy le 8 juin.
Pour convaincre le président de la République et les Français de la nécessité d’aller plus loin dans les réformes, la Commission projette ce que sera la France en 2020 à politique inchangée. En empruntant aux rapports de l’OCDE, de la Cour des comptes, de Michel Pébereau, elle peint un tableau très sombre :
-augmentation tendancielle intolérable de la dette publique
-affaiblissement des perspectives de croissance
-société vieillissante, dans laquelle les inégalités due au système éducatif, particulièrement défavorables aux enfants issus de l’immigration, se seront perpétuées sinon aggravées.
Pour l’instant le pré-rapport ne tranche sur aucun des changements nécessaires pour « réussir 2020 », mais veut ouvrir le débat sur cinq chantiers :
-la stabilité de la zone euro
-la dette publique
-la compétitivité et l’emploi
-l’innovation et l’économie du savoir
-la recherche d’un équilibre durable entre les générations.
Pour chacun de ses chantiers, la Commission propose un éventail de « moyens d’action ». Le moins qu’on puisse dire à ce stade, c’est qu’il est très large ! Exemple sur le rétablissement de l’équilibre des finances publiques : cela va de la réduction des dépenses de fonctionnement jusqu’à la vente des actifs, en passant par la réduction des dépenses de transfert ou l’augmentation des prélèvements obligatoires. L’intérêt est toutefois que les options sont chiffrées. Autre exemple, les moyens d’action proposés pour « maîtriser le coût du travail » vont de l’amélioration de l’efficacité de la dépense sociale pour réduire les charges au remplacement des cotisations par un prélèvement payé par les consommateurs, une sorte de TVA sociale donc, en passant par une privatisation totale du système, une « désocialisation progressive des charges » !
La mayonnaise du débat va-t-elle prendre ou ce pré-rapport ne sera-t-il qu’un de plus avant un rapport définitif qui ira lui aussi prendre la poussière sur une étagère ? Jacques Attali compte sur la crise pour lui donner une audience et espère que le moment est venu pour que cette pédagogie de la peur déclenche une « mobilisation générale autour d’ambitions communes dépassant l’expression des intérêts particuliers et répondant à trois exigences »: de vérité, de justice et de légitimité. Le télescopage avec la réforme des retraites et le contexte politique pré-électoral, ne laissent toutefois guère d’autre avenir à cette Commission que d’être la dernière en date. En attendant la prochaine…