Une grande partie des territoires de santé définis par les ARS "collent" à la notion administrative de département. Ce qui augure, selon deux géographes, quelques difficultés à cerner les réels besoins de santé des populations concernées.
"La difficulté majeure vient du flou qui entoure le mot territoire", estime Gérard Salem, responsable du laboratoire Espace santé et territoires de l’université Paris X- Nanterre. Pour ce géographe spécialisé en santé, il ne suffit pas de faire un découpage spatial ou administratif pour définir un territoire de santé, car celui-ci est d’abord défini "par les rapports entre les différentes catégories d’acteurs qui peuvent intervenir sur une question de santé". Selon lui, un territoire de santé, "c’est à la fois le produit et l’enjeu de rapports sociaux, et des jeux d’acteurs dans le champ de santé."
Des secteurs sanitaires aux territoires
Pour mémoire, les premiers territoires de santé recouvraient essentiellement une notion d’offre de soins hospitalo-centrée. Dans la loi HPST, et les nouveaux découpages qui en résultent, le changement est net puisqu’il ne s’agit pas tant de cerner une activité hospitalière que de définir des territoires sur lesquels une population devra être prise en charge de manière globale et coordonnée. "C’est un très gros progrès", fait observer Gérard Salem. Cependant, ajoute-t-il, "on peut avoir l’impression que la montagne accouche d’une souris !". Ce découpage conduit par les Agences Régionales de Santé, a abouti à la définition de 107 territoires de santé "soit un tout petit peu plus que le nombre de départements français qui est de 101", commente Stéphane Rican, également géographe au laboratoire Espace santé et territoires de l’université Paris X- Nanterre. Ainsi les deux départements de Haute Normandie comptent 4 territoires de santé.
Vision administrative
Selon lui, ce découpage a surtout pour vocation de répondre à des contraintes de mobilisation des acteurs issus d’anciennes Directions départementale de l’action sanitaire et sociale (DDASS) et du champ médico-social. En revanche, il ne répondrait à rien en matière de mobilité des populations ; ce qui laisse présager, estime Stéphane Rican, "quelques difficultés à cerner les besoins de santé". La question est également de savoir comment sera prise en compte l’hétérogénéité intra-régionale et comment sera traitée la réduction des inégalités interdépartementales.
Entre les régions, une population défavorisée ?
Excepté l’ARS du Limousin, aucune autre ARS n’aura utilisé la possibilité de définir des territoires de santé régionaux et encore moins supra régionaux, pourtant prévus par la loi HPST. Or, c’est précisément sur les aires périphériques des départements et des régions que les géographes de la santé disent observer "des vides démographiques" et des problèmes "d’offre de soin", ainsi que les plus mauvais indicateurs de santé. "Ces gens risques d’être défavorisés, et marginalisés", affirme Gérard Salem pour qui la collaboration interrégionale constitue le maillon faible du découpage. Il existerait néanmoins une planche de salut : elle consisterait à donner "un peu de souplesse aux découpages et de perméabilité aux frontières", propose ce géographe.
Tout se règlera lors de la définition des territoires de proximité et de premier recours que les Agences Régionales de Santé pensaient déjà définis. Les conférences régionales de Santé ont vivement protesté et les agences ont retiré ces cartes du plan stratégique régional qui doit être adopté début mai.
La démocratie sanitaire qui semblait très fragile s'impose aux instances gouvernementales. Voilà enfin une bonne nouvelle!