C'est parti pour 2012. Les sondages fleurissent tout au long d'une campagne permanente. Une répétition un peu lassante. Elle ne sert pas la démocratie. Bien sûr, cette expression n'est pas plus directe que les corps intermédiaires que George Gallup voulait reléguer. Les sondages posent les questions que posent ceux qui les paient. Ils finissent par étouffer tout débat d'idées et de projets tant ils font de la politique une lutte de personnes. C'est une course de chevaux, une pauvre opposition de candidats ramenés à leurs egos, leurs sourires, leurs vies privées. A coup sûr, ils ont des programmes, ils ont peut-être même des convictions qui vont au-delà de leur personne. Le feuilleton les efface. Il est un moment où l'apparence élimine la substance.
Aucun fondateur de la démocratie ne renierait l'idéal d'un peuple de citoyens autonomes faisant un choix de destin et non un choix de personnes auxquelles remettre son destin. Les plus prudents y mettaient sans doute des conditions d'aptitude. Les plus enthousiastes rêvèrent même d'un mandat impératif impossible à réaliser. Les sondages tirent massivement la politique vers le contraire, la remise de soi à l'autorité, la confiance aveugle à des chefs. Ce n'est pas le moindre paradoxe que l'instrument de l'expression directe des fondateurs des sondages contribue à ce point à restaurer une autocratie plébiscitaire. Associés à des institutions comme l'élection du prince, ils contribuent à ramener les citoyens à un statut de mineur. Car, est-ce autre chose que de demander si on est favorable ou défavorable, quel avenir on voit, si on a plutôt confiance ou plutôt pas confiance en un tel ou une telle ? Et de demander si l'élection avait lieu demain pour quelle personne on voterait, en sachant que l'élection n'a pas lieu demain et qu'on ne connaît même pas le nom des candidats entre lesquels on aura à choisir...