Sarkozy est isolé. Il bat le rappel de tous ses ministres qui, spontanément, ne l’aideraient pas. Juppé n’hésite pas à exprimer crûment sa crainte de couler avec Sarkozy lorsqu’il répond à propos de son éventuelle entrée au gouvernement : « Ai-je intérêt à monter sur le Titanic ? » (Sud Ouest - 01/10/2010)
Il y a désormais trop de monde en face du pouvoir : des millions de manifestants, 4 ou 5 millions au total d’une manif à l’autre, en quatre fois, depuis un mois. Les grèves reconductibles se développent lentement, de secteur en secteur, de branche en branche, du public au privé, ça rame, c’est dur, c’est coûteux, ça hésite, mais ça tient et ça vient.
Les jeunes démarrent comme toujours lentement eux aussi, mais on est passé de 400 à 900 lycées touchés. Les facs construisent leurs assemblées générales. On voit mal ce qui pourrait, en dehors du retrait, arrêter la vague qui monte.
Les gros médias font le black out, parlent d’autre chose, s’efforcent de ne pas voir les grèves, les luttes dans les entreprises, il est vrai encore disparates, tâtonnantes. Des temps forts et des lieux forts naissent : à Marseille, à la SNCF, dans l’énergie et le pétrole. Plusieurs centaines de boîtes privées s’essaient à la grève dans des conditions pourtant difficiles : ce n’est pas encore le raz de marée, mais ça frémit et la vague commence à enfler.
La surdité de la clique Sarkozy exaspère maintenant de façon irréversible des millions de gens. 54 % se disent favorables à ce que les syndicats organisent une grève générale comme en 1995, 61 % favorables à des actions durables, 69 % soutiennent grèves et manifs, 73 % veulent que ce projet soit retiré. C’est massif, indiscutable, bientôt irredressable pour le pouvoir. Sarkozy joue encore sur le doute en affirmant de façon répétée et « ferme » qu’il ne cédera pas. Il joue ses dernières cartes psychologiques de masse. Déjà des millions de gens sentent leur force et commencent à y croire, dès qu’ils vont y croire, ce sera la curée contre Sarkozy et tous ses mensonges, ses prétentions, ses pillages, son camp retranché.
Sarkozy cherche à « parler d’autre chose, vite ». Mais quand il va jusqu’à faire annoncer qu’il va retirer le bouclier fiscal, c’est encore une diversion ratée. Des millions de gens retiennent qu’il retire ce qui lui était le plus cher, ce qui était le symbole proclamé de toute sa politique, donc il peut, il va retirer pareillement la loi retraite. Hé, oui, il le peut et… d’ailleurs il va le faire si nous nous y mettons tous.