7.000 personnes selon la police, 100.000 selon Jean-Luc Mélenchon... La bataille des chiffres entre ministère de l'Intérieur et organisateurs a beau être consubstantielle à l'exercice de la manifestation, l'écart entre les deux chiffres est inédit. Dans tous les cas, la manifestation pour une "révolution fiscale" du dimanche 1er décembre, à l'appel du Front de gauche, n'a pas mobilisé les foules, dans un pays pourtant traversé par des contestations en tout genre : la veille, à Carhaix, les "bonnets rouges" étaient entre 17.000 et 40.000 à manifester contre l'écotaxe et pour l'emploi en Bretagne. La faible mobilisation de dimanche signe-t-elle pour autant un échec de la stratégie Mélenchon, qui a fait de la contestation frontale du gouvernement la ligne directrice du Front de Gauche ?
Il s'agissait d'une manifestation contre l'augmentation des taxes, et ça n'est pas la première. Mais les manifestations actuelles autour du même thème, en Bretagne par exemple, sont le fait de producteurs et d'entrepreneurs. Ca n'est pas la mobilisation que voulait incarner le Front de Gauche, même s'il y a sans doute un effet d'opportunité sur lequel Mélenchon a pu vouloir surfer.
La pression fiscale n'est pas un sujet mobilisateur pour le Front de Gauche. C'est le genre de sujets sur lequel vous vous mobilisez quand vous estimez payer trop d'impôts, mais pas vraiment pour des raisons idéologiques. Les milieux populaires et les électeurs du Front de Gauche ne sont pas aussi concernés que peuvent l'être les "bonnets rouges".
Quand vous regardez ce qui se passe en Bretagne, les syndicats et partis de gauche n'ont pas manifesté avec les "bonnets rouges", qui sont souvent des petits patrons. Ca n'est pas le même type de contestation du gouvernement, ni la même cible électorale. Si récupération des bonnets rouges il y a, elle sera plutôt du côté de la droite, voire de l'extrême droite. Il suffit de regarder l'histoire du poujadisme et du Front national, deux mouvements qui se sont nourris de cette contestation des petits artisans et commerçants face à l'impôt.
De même, au-delà de la question fiscale, il n'est pas certain que le rejet du gouvernement profite au Front de Gauche. Du mariage pour tous à la pression fiscale, les courants sont assez radicalisés à droite. Même s'il s'agit souvent d'initiatives de la société civile, je ne pense pas que la porte de sortie de la contestation se trouve à gauche. Ce sont des mobilisations conservatrices.
Les militants et sympathisants peuvent être déçus des dissensions internes quant à la stratégie à adopter aux municipales. Entre le Parti de gauche qui prône la rupture avec le gouvernement et le Parti communiste qui refuse l'opposition frontale, la stratégie du Front de gauche est assez illisible. Ce déficit de lisibilité peut amener les militants à se tenir un peu en retrait. En ce sens peut-être que l'appel à la révolution fiscale est un moyen pour Jean-Luc Mélenchon de reprendre la main, autour d'un projet mobilisateur. D'ici à mars 2014, il peut encore se passer beaucoup de choses. Après, si François Hollande parvient à inscrire la baisse du chômage dans la durée, jusqu'aux élections, on peut imaginer que certains électeurs de gauche déçus du gouvernement renonceront à se tourner vers le Front de Gauche. La constitution d'un front au sens strict du terme, débarrassé des fissures entre communistes et membres du Parti de gauche, pourrait remobiliser les électeurs. Mais il faut aussi qu'il mette l'accent sur les alternatives qu'il préconise. Là, on est uniquement sur le rejet de la politique gouvernementale. La mise en avant de politiques alternatives crédibles pourrait amener électeurs et sympathisants à se remobiliser.
tout ceci prend encore plus de sens quand on sait que le reportage de TF1 dimanche sur la grande manif a été bidonné.....