Andy, rejugé pour avoir abattu toute sa famille en 2009, y est interné, comme Romain Dupuy, qui a bénéficié d'un non-lieu psychiatrique après avoir tué une infirmière et une aide-soignante à l'hôpital psychiatrique de Pau en 2004. Tony Meilhon, reconnu coupable du meurtre et du démembrement de Laetitia Perrais (il a fait appel de la décision), y a fait un séjour après une tentative de suicide en détention. Les Unités pour Malades Difficiles (UMD) sont destinées aux malades mentaux que la prison et l'hôpital psychiatrique ne peuvent pas ou plus prendre en charge.
En clair, des malades dangereux pour eux-mêmes ou pour les autres y sont accueillis. Tous relèvent de l'hospitalisation sous contrainte – "soins psychiatriques à la demande du représentant de l'Etat" (SPDRE) depuis la loi du 5 juillet 2011 – et sont internés en UMD sur décision du préfet "au vu d'un certificat médical circonstancié".
Certains d'entre eux, auteurs de crimes ou de délits, ont été déclarés irresponsables pénalement. C'est le cas d'Andy ou de Romain Dupuy. D'autres sont des détenus qui ne peuvent plus rester en prison vu la gravité de leurs troubles mentaux, au moins temporairement (Tony Meilhon, avant qu'il ne retourne en détention).
Mais la plupart des quelque 600 patients admis dans l'une des dix UMD dont l’unité Erasme du Rouvray, viennent des services de psychiatrie générale.
Quel est leur profil psychiatrique? Ce sont en très grande majorité des schizophrènes. Il y a également des troubles graves du comportement liés à une déficience mentale et quelques troubles graves de la personnalité avec des conduites suicidaires ou automutilatoires."
Pour gérer ces patients difficiles - des hommes très majoritairement -, sécurité et personnel sont renforcés. L'architecture des UMD, qui peuvent être implantées ou non dans l'enceinte d'un établissement psychiatrique, est quasi-carcérale, mais reste délibérément orientée vers le soin. Tout ce qui peut faire office d'arme est sécurisé : les lits sont vissés au sol, la tuyauterie encastrée, il n'y a pas de prise électrique dans les chambres. Elles sont individuelles et fermées à clé, les patients n'en sortent qu'en faisant appel à un infirmier. Leurs journées sont rythmées par différentes activités, parfois encadrées par des ergothérapeutes: jeux, sport, menuiserie, encadrement de tableaux, fabrication de jouets ou sous-traitance. Les sorties sont exceptionnelles et se font sous escorte renforcée dans le cadre de la resocialisation des patients.
On reste en moyenne un peu moins d'un an en UMD, parfois beaucoup plus, parfois pour y revenir par la suite. "La temporalité psychiatrique est longue", note François Renault. "Le but, quand on accueille un patient, est de le réinscrire dans le dispositif de soin conventionnel. Nous y consacrons le temps nécessaire". C'est la Commission du suivi médical de chaque unité qui apprécie si l'amélioration de l'état de santé du malade peut justifier la fin de son séjour. Elle examine chaque dossier tous les six mois minimum. Un avis unanime en faveur de la sortie doit se dégager pour qu'elle soit décidée. Le patient est alors redirigé vers un établissement psychiatrique ou pénitentiaire. La loi du 5 juillet 2011 sur les soins sous contrainte, annoncée juste après le meurtre d'un étudiant par un malade mental qui s'était enfui de l'hôpital de Grenoble, durcissait ces conditions de sortie. Jugées anticonstitutionnelles, ses dispositions concernant les UMD ont été abrogées par l'adoption d'une proposition de loi PS par le Parlement en octobre dernier. Trop de malades sont maintenus en UMD alors que leur état de santé ne le justifie plus. Une situation qui s'explique le plus souvent par les réticences de leur établissement psychiatrique d'origine à les réintégrer par peur des agressions.
A l'inverse, et malgré la forte augmentation des capacités d'accueil depuis 2008, avec la création de cinq nouvelles unités, certains patients destinés à être placés en UMD restent faute de place en attente dans des établissements psychiatriques où ils sont placés à l'isolement. "Ce ne sont pas vraiment les années folles niveau budget, et l'hôpital connaît des mutations profondes", souligne François Renault. "La psychiatrie n'est pas épargnée. Les réductions de lits font qu'on envoie en UMD des patients qui n'y auraient pas eu leur place il y a quelques temps, quand l'hôpital avait encore les moyens de s'en occuper."