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Le blog de Eric de Falco

Le blog de Eric de Falco

conseiller général du 1° canton de Rouen


Discriminations, récupération politique, Dieudonné.

Publié par Eric de Falco sur 26 Janvier 2015, 07:59am

Devant une boutique de baskets, Hayette, 31 ans, attend son copain qui passe en caisse. Elle a longuement hésité entre la marche et les soldes. Samedi, devant les infos, elle a fait son choix.

L’assistante sociale s’explique à voix basse : «Au départ c’était un superbe mouvement, mais les politiques gâchent tout : ils ont récupéré l’initiative du peuple.» Elle interroge : «Ça veut dire quoi la liberté d’expression ? Hier, j’ai fouillé un peu sur Internet et Charlie Hebdo, c’était violent parfois. Et pourquoi Dieudonné n’a pas le droit à la parole ? Je ne cautionne pas la mort des victimes mais je me pose des questions.»

Malik, le mec d’Hayette, déboule avec sa nouvelle paire de baskets. Il coupe la conversation : «Cette histoire, c’est bizarre. Je ne sais pas qui est derrière tout ça et c’est pour cette raison que je ne suis pas allé manifester. On nous cache des choses.» Cette comparaison avec le polémiste, Boubacar la fait aussi. Posé à la terrasse d’une brasserie dans le XVIIIe arrondissement de Paris, ce Malien de 29 ans a fait le choix, «à midi», de ne pas défiler entre République et Nation. Par peur que la «folie humaine ne frappe encore», mais surtout parce que «certains dessins de Charlie» l’ont «choqué». Il précise : «Je ne suis pas d’accord avec tout ce que dit Dieudonné dans ses spectacles, mais c’était une autre forme de liberté d’expression, non ?»

Dans ce quartier populaire parisien, ils sont nombreux à ne pas être allé défiler, pris par le travail ou occupés en ce dimanche après-midi. Mais l’immense majorité dit soutenir les manifestants. «Même si les dessinateurs de Charlie ont touché à notre symbole, le prophète Mahomet, les terroristes n’auraient jamais dû faire ça», expliquent Dab et Taïeb, attablés dans un bar de la rue Marcadet.

Karim, gérant d’un fast-food halal à deux pas du métro, est aussi retenu par son boulot. Mais c’est «volontiers» qu’il aurait défilé. «Je suis musulman, mais je n’ai pas à être désolé des actes de ces terroristes, ces détraqués», dit-il. Le gaillard, crâne rasé, sweat à capuche et carrure massive, avait un message à faire passer : «Qu’on arrête les amalgames entre l’islam et les terroristes.» Il espère que les Français traverseront ce «deuil ensemble, main dans la main». Mais Karim en doute, il pense même à quitter la France. «Je ne veux pas que mes enfants grandissent avec ce regard sur eux, celui qui leur dit "Tu n’es pas français."» Silence.

Devant le centre commercial de Rosny, une bande de copains originaires de Bondy attend à l’entrée du cinéma. Ils hésitent entre plusieurs films. Lorsque la manifestation arrive sur le tapis, un silence s’installe. Eric, le plus grand, se lance : «Franchement, c’est chaud les terroristes, mais ça ne sert à rien de marcher.» Youssouf prend le relais : «Les gens veulent qu’on manifeste. Très bien, mais demain, on fait quoi ? On nous pointe du doigt avec un regard de travers ? Je ne veux pas faire partie de cette France une seule après-midi mais tous les jours.» Il se retourne vers son pote Idrissa. «Son nom de famille, c’est Coulibaly, comme le terroriste. Vous pensez que ça va être facile pour lui de trouver du boulot ? Non, même s’il marche pendant des jours.»

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