Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le blog de Eric de Falco

Le blog de Eric de Falco

conseiller général du 1° canton de Rouen


«A deux ans de la présidentielle, nous virer, c’est bizarre…»

Publié par Eric de Falco sur 29 Juin 2010, 07:35am

Catégories : #actualité

Interview

Par RAPHAËL GARRIGOS, ISABELLE ROBERTS

 Stéphane Guillon et Didier Porte, le premier en rentrant du boulot, le second avant d’y aller, ont reçu chacun une lettre recommandée signée Philippe Val, directeur de France Inter. Virés. Entretiens séparés puis croisés.

Alors, comme ça, ainsi que le dit Jean-Luc Hees, on est un petit tyran ?

Stéphane Guillon : Oui, un petit tyran qui a été applaudi par la rédaction dans le studio hier après son papier. Si on en croit la motion contre Philippe Val, si on en croit les départs de France Inter, si on en croit les personnes dont l’émission est supprimée sans qu’elles en soient prévenues, je ne sais pas qui est le tyran.

Didier Porte : Vu ma taille, et vu celle de Guillon, je l’ai pris plutôt pour moi… Je viens d’être viré, et en plus on m’adresse des mots pareils : pourquoi tant de haine ?

Avez-vous cherché à vous faire virer ?

SG : En aucune façon. J’ai cherché à faire mon travail le mieux possible. J’ai cherché à divertir l’auditeur en étant le plus direct possible, avec Woerth, avec Christian Blanc et ses cigares. J’adore, pardon, il faut parler au passé, j’adorais ce que je faisais, c’était un plaisir incroyable, ce direct, avoir 2 millions d’auditeurs. J’ai eu une demi-page dans le New York Times, c’est formidable, et j’aurais voulu interrompre ça ?

DP : Ça fait quinze ans que je fais des papiers engagés politiquement. J’en ai fait des plus subversifs que celui qui me vaut d’être viré. Peut-être qu’inconsciemment… Et puis qu’on vire Guillon, d’accord, mais moi ! J’ai un max de bouches à nourrir et je suis incasable ailleurs : je ne peux pas retourner à Ouï FM qui a été racheté par Arthur.

Didier Porte, vous deviez rester au Fou du roi…

DP : Après une discussion avec Philippe Val, Stéphane Bern m’a assuré que je serais à l’antenne à la rentrée. Quand je lui ai appris la nouvelle ce matin, il était sur le cul, si je peux permettre, mais comme je suis grossier…

Avez-vous constaté un durcissement depuis l’arrivée de Jean-Luc Hees et Philippe Val ?

SG : Frédéric Schlesinger [l’ancien directeur de France Inter, ndlr] n’était pas toujours d’accord avec moi, mais il me soutenait. A partir du moment où messieurs Hees et Val sont arrivés, c’était fini. Avec Schlesinger, j’étais affiché en quatre par trois sur les culs de bus ; dès que Hees et Val sont arrivés, je n’ai plus eu la moindre photo. Pourquoi ? Qu’on me le dise. Je n’ai jamais eu de contact avec eux, sauf à mon initiative. Tout ce que j’ai appris c’était par voie de presse. Quand un patron n’est pas content de son salarié, il le convoque pour lui dire ce qui ne va pas. Les deux fois où je les ai vus, c’était à ma demande pour Hees. Et, pour Val, c’était à l’occasion de la sauterie pour l’arrivée de Laurence Bloch [directrice adjointe de France Inter, ndlr] à laquelle je n’étais pas convié. Je suis venu avec un bouquet de roses et j’ai dit à Laurence Bloch : «Ne vous inquiétez pas, j’ai enlevé les épines.» Ça l’a fait rire. Val était là, il m’a dit : «Dans mon bureau, lundi !» Je l’ai vu le lundi suivant à 11 heures - Philippe Val n’est pas du matin, il arrive à 11 heures, quand il arrive. Il m’a dit : «Mettre de l’humour dans une tranche d’info, c’est presque une atteinte à la démocratie.»

DP : J’ai toujours eu le sentiment de ne pas être apprécié par Hees. Quant à Val, il ne m’avait jamais adressé la parole jusqu’à cette histoire d’enculage de Sarkozy. Quand je lui ai expliqué que, dans ma chronique, je faisais comme si Villepin était atteint du syndrome de la Tourette, il m’a interrompu pour me dire : «Ah ouais ? Et sous prétexte du syndrome de la Tourette, la prochaine fois, tu crieras "Heil Hitler" à l’antenne ?»

Vous, qu’est-ce qui ne vous fait pas rire ?

SG : Ça, ce qui arrive aujourd’hui. Ça ne me fait pas rire du tout. En plus, ça ne sert à rien. On ira ailleurs, on ira sur scène, on fera autre chose.

DP : L’autorité, ça ne me fait pas rire du tout, l’autoritarisme que je subis de plein fouet et que je sens à France Inter. Mais Font et Val me faisaient rire.

C’est quoi les limites de votre humour ?

SG : L’insulte, la diffamation, l’atteinte à la vie privée. En plus de mille papiers, je n’ai jamais été attaqué. Après, on peut trouver que c’est de plus ou moins bon goût. Le papier sur Jean-Michel Aphatie, je ne le referais pas. On a souvent sorti mes papiers de leur contexte. Quand je parle du petit pot à tabac, je mime une réunion du PS au moment où tout le monde tape sur Aubry, je prends la voix de Fabius et je dis : «Et le petit pot à tabac, là», pour dénoncer cette violence verbale. Et ça devient Guillon traitant Aubry de petit pot à tabac.

DP : J’ai ma part de sacré, c’est à chacun de fixer ses limites. Sur la Shoah, j’ai pas envie de déconner. Mais «Enculé» ou «Je t’encule», c’est l’expression maximale du supporteur bourrin. Qu’on me passe un savon pour ça, d’accord ; qu’on me mette un averto, je trouve ça lourd, mais qu’on me vire, non, il y a d’autres raisons.

Du côté de la direction, on parle souvent de vos prétentions salariales…

SG : C’est hallucinant de dire ça. Aujourd’hui, je joue à guichets fermés et je refuse les Zénith, où le spectateur ne vous voit que sur des écrans géants. Et je peux vous le dire : je n’irai pas dans une autre radio, même si on me fait un pont d’or.

DP : Je gagne 360 euros brut par chronique, je me lève à 4 heures du mat’ tous les jours pour le Fou du roi et à 2 heures le jeudi où j’ai les deux chroniques. J’ai jamais eu l’occasion de mettre du fric de côté avec Inter.

Que faites-vous à la rentrée ?

DP : De la scène. Je vais avoir du mal à trouver du boulot sur Europe 1 ou RTL vu le nombre de fois où je les ai chargés… En fait, je suis très corporate : je charge la concurrence.

SG : Je reste sur Canal +. J’ai aussi des projets de scène, des propositions de scénarios…

Vous voyez un rapport entre ce qui vous arrive et la nomination du président de Radio France par Nicolas Sarkozy ?

SG: Evidemment. Même si Hees ou Val prennent une bonne décision, il y aura ce péché originel. On voit bien que ça ne fonctionne pas.

DP : Est-ce que Hees a voulu asseoir son autorité ? Est-ce qu’il obéit à des motivations plus troubles ? Toujours est-il que le mode de nomination qui l’a mis à la tête de Radio France n’est pas pour me rassurer. C’est vrai que je suis assez gauchiste, mais, à deux ans de la présidentielle, c’est bizarre.

Stéphane Guillon, Jean-Luc Hees parle de «sens de l’honneur» et dit qu’il ne peut «accepter de se faire cracher dessus», que répondez-vous ?

SG : Je ne lui ai pas craché dessus en direct. Le sens de l’honneur, il l’avait perdu avant. Quand il s’est excusé auprès de Besson. Quand, dans le Monde, il parle des années sombres et, faisant l’amalgame avec mon papier sur Besson, laisse planer des soupçons d’antisémitisme. Je rentre hier chez moi à 11 heures, le facteur sonne, c’était un recommandé de Philippe Val m’annonçant mon licenciement. Je n’avais pas été prévenu. C’est des méthodes ça ? Didier Porte, c’est la même chose et lui, ça fait quinze ans qu’il est à France Inter. Il est où l’honneur, là ?

Voyez-vous des raisons politiques à votre éviction ?

SG : C’était la lettre de mission de Hees et Val. Comme, contrairement à eux, je n’accuse pas sans preuves, je ne prononcerai pas le nom du président de la République, mais ils avaient clairement la mission de nous dégager, Didier Porte et moi.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Articles récents