Comment vendre à la découpe le service public
« Obèse » et « inefficace » pour les libéraux, l’Etat nécessiterait de nouvelles saignées. « Oppressif » et
« liberticide » aux yeux de bien des progressistes, il devrait s’effacer afin que l’individu s’épanouisse. Enfin, ceux qui regrettent sa mission « sociale » et
« protectrice » estiment qu’il serait déjà mort, tombé sous les assauts de l’« ultralibéralisme ». Aux Etats-Unis, dans l’Union européenne comme en Russie, l’Etat n’a pas
disparu : il se réagence en permanence. La vision égalitariste d’après guerre a subi de violentes attaques au nom de l’« efficacité » ou de l’« équité ». Des réformes
suppriment des fonctionnaires, transfèrent des compétences aux collectivités locales ou au secteur privé, privatisent des pans entiers des transports et des télécommunications ; d’autres
calquent la gestion des administrations sur le modèle des entreprises. Pour autant, ce mouvement général apparaît difficilement lisible. La « modernisation » est technique, sectorielle,
rarement uniforme. De ce brouillage découlent tant sa force que la faiblesse des résistances qu’on lui oppose. Dans le sillage de la crise financière, les puissances publiques ont servi de
pompier de dernier recours. Elles ont nationalisé de fait General Motors, perfusé Wall Street, secouru l’industrie lourde, subventionné l’innovation. Cette mobilisation, qui semble marquer le
retour de l’Etat au centre de l’économie, n’annonce-t-elle pas plutôt l’accélération des mutations vers un Etat manager, aux domaines d’action plus restreints, mais aussi plus
autoritaire ?
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