. La Bourse ? C’est aussi rigolo. Et la crise ? C’est moins rigolo, mais ce n’est tout de même pas bien méchant. Lorsque l’on sort de l’exposition que la Cité des sciences consacre à l’économie, on se demande si l’on n’a pas rêvé. L’ambition de Economie, krach, boom, mue est louable : fournir aux 15-25 ans les « outils » qui permettront de « saisir les fondamentaux de l’économie pour mieux interpréter leur quotidien économique et être en mesure de s’intéresser aux grands débats de notre époque ». Rendre accessible, à travers un parcours « pédagogique » et « ludique », une discipline que beaucoup trouvent intimidante, est une initiative de salut public. Mais la « pédagogie », surtout sur le mode « ludique », peut être le registre adéquat pour estomper toutes les (profondes) divergences intellectuelles internes au champ de la science économique, en effacer les enjeux idéologiques... et passer sous silence le point de vue des organisateurs de l’exposition.
Or ici pas de doute : c’est le monde anhistorique et merveilleux de la théorie néo-classique que l’exposition donne à voir aux 200 000 visiteurs attendus. Certes, le système actuel n’est pas parfait. Il peut rencontrer des soubresauts, des périodes de « surchauffe » nécessitant « d’ouvrir la fenêtre », pour « refroidir la pièce » comme l’évoque poétiquement le très libéral Jean-Marc Daniel dans l’une des vidéos projetées. Certes, supprimer le salaire minimum n’a pas que des avantages : cela crée une « société à deux vitesses, où les plus pauvres n’ont pas accès à l’éducation et au soin ». Cette considération humaniste prouve que les économistes ne sont pas forcément des fanatiques du marché.
. L’exposition donne ainsi l’impression d’offrir une synthèse éclairée de tous les arguments opposés des économistes — et devant une telle démonstration d’honnêteté intellectuelle, le visiteur ne peut pas douter de l’objectivité du savoir qui lui est présenté. Il n’est malheureusement pas certain qu’il puisse de lui-même mesurer que ce simulacre de pluralisme cache une vision unique, celle de la science économique dominante. Ce monde n’est peut-être pas idéal, soit. Mais il n’y en a pas d’autre possible, et ce postulat là n’est pas sujet à débat.