Immédiatement après la publication de l’accord du Conseil européen du 8 février, les quatre principaux partis du Parlement européen (conservateurs, socialistes, libéraux et écologistes) ont annoncé qu’ils rejetteront ce compromis lors du vote du budget, qui doit intervenir en juillet. Souhaitons que cet accord transpartisan résiste aux pressions qui ne manqueront pas de se manifester, notamment lorsque les députés récalcitrants seront menacés de ne pas figurer sur les listes (nationales) pour les élections européennes du printemps 2014…
C’est le Parlement élu de 2009 à 2014 qui décide du cadre financier de l’UE pour la période 2014-2020. Ne serait-il pas plus cohérent que le Parlement élu en 2014 décide du budget fixant les priorités de son mandat ? Dans le même ordre d’idées, ne serait-il pas logique que la définition de ces priorités devienne un enjeu politique des prochaines élections européennes, histoire de démontrer aux électeurs que leurs votes ont le pouvoir de changer l’Europe ?
Un débat dans toute l’Europe pourrait également permettre d’évoquer les ressources qui financent le budget européen. Elles sont actuellement au nombre de quatre. Deux ressources sont assises sur une activité économique de l’Union : les droits de tarifs douaniers prélevés par l’Union sur les échanges commerciaux avec les Etats tiers et les droits sur les importations et exportations agricoles, autrefois très importants, mais aujourd’hui quasiment négligeables. Deux ressources s’apparentent à des contributions directes des Etats membres : la ressource TVA qui applique un taux harmonisé sur la taxe sur la valeur ajoutée perçue par les Etats, mais présente derrière cette apparente égalité un nombre incalculable de biais, et surtout la ressource RNB introduite par le « Paquet Delors » en 1988, qui est la ressource permettant d’équilibrer le budget européen par l’application d’un taux identique aux revenus nationaux bruts des Etats
Or, les Etats membres sont aujourd’hui, pour la quasi-totalité d’entre eux, dans de telles situations de surendettement qu’ils doivent s’engager dans des réductions drastiques de leurs dépenses publiques. Par conséquent, la seule issue pour augmenter le budget de l’Union européenne sans recourir à l’endettement direct de l’UE auprès des marchés financiers est de concevoir de nouvelles ressources propres, cette fois-ci indépendantes des finances publiques nationales. Les pistes sont nombreuses (taxe sur les transactions financières, fiscalité écologique aux frontières de l’Union, taxe sur la téléphonie mobile ou les fournisseurs d’accès à Internet, etc.) et les rendements d’un impôt européen sont potentiellement massifs.
La création d’une fiscalité européenne votée par le Parlement européen constituerait une étape déterminante de l’intégration politique européenne et du renforcement de la citoyenneté européenne tant le vote du budget est intimement lié à l’avènement de la démocratie représentative occidentale. D’autres avancées souhaitables s’inscrivent dans le même mouvement : la poursuite du rééquilibrage des pouvoirs en faveur du Parlement européen, seule instance élue directement par les citoyens européens ; la création d’une seconde chambre pour représenter les Etats membres et réduire l’influence du Conseil européen, organe intergouvernemental régulièrement pris en otage par les Etats – Royaume-Uni en tête – qui ne souhaitent pas l’approfondissement de l’Europe politique ; l’affirmation de partis transnationaux désignant leur candidat à la présidence de la Commission européenne, avant que ce dernier ne soit, à terme, élu au suffrage universel direct par le peuple européen.
l’Europe avancerait dans le sens de l’harmonisation de ses politiques fiscales, sociales et diplomatiques sans se heurter en permanence aux intérêts nationaux. En fixant un nouvel horizon à atteindre, l’Europe susciterait un intérêt accru au sein de sa population et se montrerait à la hauteur des enjeux auxquels elle est confrontée.