Existe-t-il une identité nationale française ?
- Michel Onfray : Oui, cela me parait évident. C'est l'histoire de la France. C'est un enjeu de société, c'est un enjeu d'histoire, c'est un enjeu politique aussi. Je trouve cela très bien de
prendre la balle au bond et de montrer qu'il y a des définitions différentes et divergentes de l'identité nationale. Pour moi, il y a deux façons de concevoir l'identité. Celle de l'identité du
sang, de la race et l'autre de la raison et de l'intelligence. Donc je trouve très bien de dire ce qu'est la France et comment elle fonctionne. Et ce n'est pas parce que la droite et
l'extrême-droite ont défini une certaine idée de l'identité de la France, qu'il faut leur laisser dire. C'est une bonne occasion de dire que la France c'est la Révolution française, c'est une
certaine conception de la République qui fait preuve d'ouverture, de solidarité et de fraternité.
Que reste-t-il de cette identité nationale aujourd'hui ?
- Je crois qu'elle est mal en point parce que justement nous avons laissé cette question là à la droite et à l'extrême-droite. Et que la gauche considère que le simple fait de parler d'"identité
nationale", cela revient à utiliser le langage de l'extrême-droite. Ce qui n'est pas vrai. Quand l'Abbé Grégoire, par exemple, réfléchit au statut des Juifs dans la France lors de la révolution
française, ce n'est pas un travail de droite. C'est plutôt un travail de gauche. Si on refuse le débat, il n'y aura de définition que celle de l'extrême-droite, c'est-à-dire la définition
raciale.
L'Etat a-t-il un rôle à jouer dans la construction de l'identité nationale ?
- Non, je ne crois pas que ce soit à l'Etat de participer à la construction de l'identité nationale. C'est aux partis politiques, aux citoyens, aux philosophes, aux sociologues de faire un grand
débat. L'Etat peut offrir des structures symboliques, comme la Sorbonne ou le Collège de France pour accueillir toutes les idées. Et faire se rencontrer des personnes qui ont leur définition de
l'identité nationale. Moi, je suis preneur du débat pour montrer qu'il n'est pas le domaine réservé de la droite.
Peut-on encadrer l'identité nationale ?
- Cela dépend de la conception qu'on a de l'identité nationale et des personnes qui sont au pouvoir. Si vous êtes au pouvoir et que vous avez une conception de l'identité nationale qui est
raciale, voire raciste, cela ne produira pas le même type d'effet que si vous êtes au pouvoir avec la conception de l'identité nationale héritée des Lumières. Si Eric Besson veut un débat, je
trouve qu'il a raison. Maintenant s'il veut un débat de manière populiste en allant chercher ce qu'il a de plus bas chez les gens en secouant le racisme qui dort en nous souvent, effectivement
cela va être problématique. S'il s'agit de prendre le peuple à témoin pour une définition de l'identité nationale, on ne va pas produire quelque chose de bien intelligent. Il ne s'agit pas de
dire "regardez vos viscères et dites nous ce que vous en pensez".
Interview de Michel Onfray par Sarah Diffalah
(le mardi 27 octobre 2009)
Michel Onfray, une certaine idée de l'identité
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