Les chiffres donnent le tournis. Les vingt plus gros négociants de matières premières au monde ont empoché près de 250 milliards de dollars (191 milliards d'euros) au cours de la dernière décennie
Les négociants, pierre angulaire des échanges mondiaux de matières premières, font traditionnellement le lien entre producteurs et consommateurs. Pourtant leurs noms (Glencore, Vitol, Trafigura, Gunvor, Cargill, Midland, Louis Dreyfus, Wilmar, Noble, Mitsubishi, Mitsui) ne sont pas encore connus du grand public.
Les chiffres d'affaires font encore davantage vaciller : les revenus des dix plus gros négociants en 2012 tournent autour de 916 milliards d'euros, soit l'équivalent du PIB de la Corée du Sud. Toutes ces données, dessinent un paysage impressionnant et jusqu'ici méconnu puisque rares sont les négociants cotés en Bourse et contraints à un minimum de transparence financière, des entreprises peu ou pas régulées, comme la plupart des grandes multinationales opérant dans des pays en développement.
On peut s'interroger sur la taille de ces intermédiaires dont les besoins en liquidités surpassent désormais la capacité de prêt des banques. Ainsi, quand le russe Rosneft décide d'acquérir son concurrent TNK-BP pour créer le premier pétrolier mondial coté et se met en quête de 42 milliards d'euros, il demande à deux négociants, Vitol et Glencore, de l'aider à financer l'opération.
La période de croissance, commencée en 2000 quand les profits cabotaient vers 1,6 milliard d'euros, reflète de plus en plus l'expansion des pays émergents, Chine en tête. Et même en cas de consommation déclinante ou simplement stagnante, les négociants peuvent toujours stocker en attendant que les cours remontent.
Symbole d'une nouvelle domination dans les échanges de matières premières, les places financières asiatiques entrent dans la course pour devenir le "hub" de prédilection des traders. Singapour, qui offrait déjà, sous certaines conditions, un taux presque imbattable de 5 % d'imposition, voit son offre fiscale concurrencée par Shanghaï, Hongkong et Kuala Lumpur dans la course aux marchés émergents.
Ces destinations sont synonymes d'une optimisation fiscale forcenée : selon le FT, les négociants s'en sortent avec un taux d'imposition compris entre 5 et 15 % grâce à des implantations choisies sous les auspices cléments que sont la Suisse, Chypre, les Pays-Bas ou Singapour. A titre de comparaison, l'industrie minière et pétrolière s'acquitte d'un taux de 30 à 45 %, et les banques paient environ 20 % d'impôt.
Et même si la Suisse envisage d'alourdir sa fiscalité, l'industrie reste très rentable. Les patrons de Glencore (Ivan Glasenberg) ou de Trafigura (Claude Dauphin) sont milliardaires, alors que les familles telles que les Cargill et les Louis Dreyfus ont vu leur patrimoine s'épanouir à la chaleur des marchés des matières premières.L'envolée des prix de 2009 aidant, les profits ont été multipliés par presque 120 en douze ans. Selon le département américain de l'agriculture, les échanges de céréales ont bondi de 20 % entre 2001 et 2010......