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Lors de ses vœux aux forces économiques, le 6 janvier, le Président a tenu à livrer un bilan étonnamment décalé et positif de la semaine danoise : «Je ne partage pas l’analyse qui a été faite par tous les observateurs. Copenhague, c’est infiniment mieux que Kyoto. A Kyoto, 35 pays ont signé. Donc les règles s’appliquaient sur 35 pays. Il n’y avait pas l’Inde, pas la Chine, même pas les USA. A Copenhague, 192 pays ont signé. J’aurais préféré qu’ils aillent plus loin, mais à 192, ça a plus fière allure qu’à 35.»
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Effectivement, Sarkozy ne «partage pas» l’analyse des observateurs et de ses homologues, qui ont conclu, dans une belle unanimité, à l’échec, voire au fiasco, du sommet. Et l’affirmation du Président selon laquelle Copenhague a été«infiniment mieux» que le protocole de Kyoto signé en décembre 1997 n’a aucun sens, et regorge d’inexactitudes. Primo, le protocole de Kyoto n’a pas été signé par 35 pays… mais par près de 160 nations, dont les Etats-Unis (même si le traité ne fut pas ratifié par le Congrès américain). Nicolas Sarkozy a sans doute été trompé par le fait que le protocole n’engageait «que» 38 pays industrialisés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 5% par rapport aux niveaux de 1990 durant la période 2008-2012. Pour autant, les autres pays signataires (184 pays l’ont ratifié à ce jour) étaient impliqués, notamment par le volet consacré aux mécanismes de développement propre.
Nicolas Sarkozy est tout aussi approximatif concernant Copenhague. L’accord conclu dans la capitale danoise n’a pas du tout été signé par 192 pays comme il l’affirme. En fait, le sommet danois ne s’est même pas soldé par un «accord» à proprement parler, plutôt par une vague déclaration d’intention destinée à sauver la face. Cette déclaration finale a été rédigée à l’arraché, lors du dernier jour, par seulement vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernements. Et le texte n’a pas été soumis au vote des 193 pays représentés à la conférence. Et dans un système onusien où tout doit se décider à l’unanimité, il n’a, pour l’heure, aucune existence juridique.
Et non content d’être flottant sur le plan juridique, l’accord de Copenhague est également quasi vide sur le fond. A la différence du protocole de Kyoto, il ne mentionne (ni globalement, et encore moins par pays) aucun objectif chiffré de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, se bornant à un objectif de limitation à 2 °C de la hausse de la température. En clair, si Kyoto n’engageait «que» 38 pays. Copenhague, pour l’heure, n’en engage aucun.
Ce n’est pas la première fois que Sarkozy revisite le bilan. Lors de ses vœux du 31 décembre, il s’était félicité que le sommet ait posé le principe d’un financement pour les pays pauvres «assuré par la taxation de la spéculation financière». Une affirmation très aventureuse. Le texte final prévoit certes - un des seuls points positifs - la création d’un fonds destiné à aider les pays en voie de développement à lutter contre les changements climatiques (20 milliards d’euros d’ici à 2012) mais sans rien dire de la nature du financement. «Le principe de la taxe sur les opérations financières [que demandait Paris, ndlr] a bien été évoquée dans les discussions, relève un observateur présent à Copenhague, mais ne figure pas dans la déclaration finale. Et Sarkozy est bien le seul à parler de cette taxe comme si elle avait été décidée.»