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Le blog de Eric de Falco

Le blog de Eric de Falco

conseiller général du 1° canton de Rouen


Des jurés populaires en correctionnelle ?

Publié par Eric de Falco sur 5 Janvier 2012, 07:55am

 Deux citoyens, appelés "assesseurs", qui siègent aux côtés de trois magistrats en première instance et en appel, et jugent des délits les plus graves d'atteintes aux personnes comme les agressions sexuelles, vols avec violence... Le système, expérimenté en ce début d'année à Toulouse et Dijon, doit être progressivement généralisé d'ici 2014.

L'objectif ? Rapprocher la justice des citoyens. Mais la vice-présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM) et du tribunal de grande instance de Béthune, Virginie Valton, n'est pas convaincue.

La justice souffre d'un important manque de moyens, ne serait-ce que pour fonctionner normalement. Or, cette réforme n'est ni urgente ni indispensable et va coûter très cher. Le coût était estimé à environ 20 millions d'euros pour l'aménagement immobilier. Les tribunaux ont déjà dû s'adapter à la réforme de la carte judiciaire, ils doivent à présent réaménager leurs locaux et agrandir les salles d'audience pour accueillir les jurés.

- Au printemps 2009, des procès ont dû être reportés faute de moyens pour les payer. Avant qu'il ne soit décidé, chaque début d'année, de bloquer les fonds destinés aux jurés. Ils sont donc payés, mais au détriment de la rémunération d'experts et du paiement d'autres frais de justice figurant sur la même ligne budgétaire. Toutefois, au-delà de l'aspect financier, le facteur temps et le rallongement de la durée de traitement des dossiers est également inquiétant.

- Les audiences publiques vont durer plus longtemps car de nombreuses notions juridiques acquises par les professionnels devront être détaillées aux jurés, comme par exemple la "complicité", la "tentative", ou "l'homicide volontaire au volant". Un délai supplémentaire sera sans doute d'autant plus nécessaire lors du délibéré, quand les jurés devront s'interroger sur la culpabilité. Ils devront connaître les éléments constitutifs de l'infraction ainsi que les peines correspondantes. Si une peine est prononcée, ils devront aussi connaître les différents aménagements.

- Au mieux, deux fois moins de dossiers seront traités lors d'une audience, selon les estimations du ministère lui-même. Donc soit on crée deux fois plus d'audiences avec les moyens adéquats au niveau du budget, des effectifs et de la place, soit le délai sera deux fois plus long. Une affaire qui devait être jugée en un an pourra l'être en deux ans. A Dijon et Toulouse, où le système est expérimenté, il n'y a pas d'effectifs en plus. Alors comment faire s'il y a besoin de doubler le nombre de magistrats ?

Peut-être y a-t-il d'autres choses à envisager pour rapprocher les citoyens de la justice, comme expliquer davantage son fonctionnement ou insister sur la possibilité qu'a tout citoyen d'assister aux audiences. L'autre argument que l'on entend est la lutte contre le laxisme des juges. Or, des études menées dans d'autres pays d'Europe démontrent que les jurés ne sont pas plus sévères lors des délibérés. Concernant les retards de traitement, il est également probable que les Français ne voient pas forcément l'effet des citoyens assesseurs mais plutôt la lenteur de la justice de manière générale. Ce qui ne fera que renforcer leur incompréhension vis-à-vis de la justice. Soit l'exact opposé du but visé.

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