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Le blog de Eric de Falco

Le blog de Eric de Falco

conseiller général du 1° canton de Rouen


Un exploit hors du commun

Publié par Eric de Falco sur 25 Août 2012, 06:48am

Il a triomphé au prix d'un effort de volonté et d'une résistance physique hors du commun. Vendredi (samedi 18 août en France), le nageur quadri-amputé, Philippe Croizon, 44 ans, a réussi à relier les continents américain et asiatique entre la Petite et la Grande Diomède, dans le détroit de Béring, deux îles devenues furtives, invisibles, car noyées dans un épais brouillard.

 

Une brève accalmie s'est présentée vendredi. La fenêtre de nage était étroite et la mer loin d'être calme, mais les deux hommes n'avaient pas le choix. Ils savaient qu'une autre puissante dépression était annoncée.

"Il faut y aller Arnaud. C'est maintenant ou jamais" dit Philippe. Dans une petite maison de pêcheur en bordure du rivage, sa compagne Suzanne l'aide à enfiler sa combinaison de plongée et fixe les prothèses de palmes.

Philippe Croizon est transporté à bord d'une barque de pêche pour rejoindre l'extrémité Sud de l'île. Deux autres barques pilotées par des Inuits les accompagnent. "Ces types sont d'un incroyable courage", lâche admiratif l'un des pilotes, natif de l'île et qui pourtant en a vu d'autres sur ce morceau de terre d'Alaska du bout du monde entre océans Arctique et Pacifique.

 

Les barques sautent sur les vagues quand Philippe et Arnaud se mettent à l'eau sous le vol de myriades d'oiseaux marins. Ils disparaissent au creux des rouleaux, refont surface, disparaissent de nouveau. Les barques accompagnatrices ne peuvent les serrer au plus près. A bord, les visages sont tendus. Surtout ne pas les perdre de vue dans cette purée de poix.

Arnaud guide son compagnon comme un poisson pilote, se retourne sans cesse, veille sur lui. Philippe équipé d'un masque et d'un tuba, mouline à en perdre haleine de ses seuls avant-bras.

Mais ils n'ont pas de repaire visuel dans cette ouate épaisse. A plusieurs reprises, ils prennent un mauvais cap et rallongent leur parcours, luttant en permanence contre les courants. Depuis les embarcations suiveuses, il faut à chaque fois les remettre sur le droit chemin.

 

Au bout de 3/4 d'heure, il semble à bout de force: "je l'étais", dira-t-il à la fin. "J'ai pensé à tous ces gens qui me soutiennent et espèrent en moi. Nage, nage, nage, me suis-je dit. Mais sans Arnaud, je n'y serais jamais arrivé. Je n'ai jamais fait un tel effort physique de ma vie".

 

Soudain, le pilote du bateau de tête équipé d'un GPS crie: "Nous sommes sur la ligne!" L'appareil indique 65° 44mn 761sec Nord et 168° 58mn 669sec Ouest. C'est la frontière entre deux pays, deux continents et deux jours différents.

Mais Philippe et Arnaud continuent sur quelques centaines de mètres, dans les eaux russes et interdites, pour bien marquer leur performance. Ils viennent de passer de vendredi à samedi en une brasse et en franchissant la ligne arbitraire de changement de date.

Enfin ils s'arrêtent. Arnaud prend son compagnon dans ses bras entre deux vagues, lui soutient la tête au-dessus de la surface.

Ils l'ont fait. Ils pleurent.

 

Cette traversée achève le pari fou de relier l'ensemble des continents à la nage, pour la paix.

C'est un effort de volonté hors du commun que peu de valides seraien capables de réaliser.

Le handicap est parfois un moteur prodigieux!

 

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