Lundi 2 décembre, les CM2 de l'école de la Verville à Mennecy (Essonne) ont une leçon pour le moins particulière. L'adjudant-chef Delphine Josse, à la tête de la la BPDJ (Brigade de prévention de la délinquance juvénile), vient leur parler d'Internet et leur proposer un "code de bonne conduite". Au sommaire des trois séances du "Permis Internet" lancé jeudi par la gendarmerie en partenariat avec l'assureur Axa : comment se créer un pseudo, un identifiant ou une adresse mail "sûr", éviter les mauvaises rencontres, les arnaques, les images choquantes et le cyber-harcèlement. Et veiller à ne pas tomber dans l'addiction.
"On ne doit pas publier des photos de quelqu'un sans son autorisation" explique Delphine Josse. Elle lance une vidéo. Emma, 14 ans, est victime de cyber-harcèlement. Sa meilleure amie a mis en ligne des informations sur sa vie privée. Elle en parle à sa mère. Ça s'arrange. Et l'adjudant-chef d'insister sur l'importance de "bien réfléchir" à ce qu'on écrit. "Saviez-vous qu'insulter était interdit par la loi ?" Quelques oui, plusieurs non. "Sur Internet c'est comme dans la rue, on ne doit pas se moquer ni insulter, on doit respecter les autres. Et si on a un problème, on doit en parler".
L'analogie entre la bonne conduite à adopter dans la rue et sur Internet permet "de reprendre sur beaucoup de choses, d'élargir". Et parfois de libérer la parole. Cette semaine, trois cas de harcèlements lui ont été signalés dans le département, dont un pour des insultes sur Facebook. Une rencontre avec les parents est prévue dans le collège concerné à la rentrée. L'essentiel, pour Delphine Josse, c'est "que les enfants parlent de ce qu'ils voient ou subissent." Mais souvent, soupire-t-elle, quand ils se confient aux parents, ceux-ci ont tendance à interdire plutôt qu'à accompagner. "Du coup certains enfants préfèrent ne pas en parler."
Les interventions des gendarmes s'inscrivent dans les missions des différentes BPDJ (une par département), et Axa finance -pour un montant qu'elle n'a pas souhaité préciser- 37.500 kits explicatifs pour parents et enfants. "Ce financement n'impacte pas le budget de la gendarmerie et le partenariat -comme lors du précédent 'Permis piétons'- permet de démultiplier les opérations et de toucher davantage d'élèves". La gendarmerie, qui comporte une division de lutte contre la cybercriminalité, a voulu aborder "une problématique à laquelle les brigades territoriales et le STRJD (Service technique de recherches judiciaires et de documentation) sont régulièrement confrontés." Le projet doit être étendu à partir de janvier à une quarantaine de départements pour concerner, à terme, plus d'un million d'enfants. S'il n'intègre pas le plan Peillon contre le harcèlement à l'école, on assure au ministère de l'Education "être en relation avec les établissements qui l'expérimentent". Des réunions avec la gendarmerie sont également prévues pour "échanger sur les retours".
A la sortie des classes, les parents rencontrés valident l'initiative. Chez Jasmine, c'est "ni ordi ni téléphone dans la chambre", et "pas de téléphone avant la 6ème" insiste sa mère Nadia, 39 ans. Celle qui assure "maîtriser assez bien les outils" et être "sensibilisée au problème" trouve pour autant "cohérent" que l'école et les gendarmes prennent le relais pour "renforcer le travail des parents à la maison". Devant la grille, emmitouflée dans sa veste noire, Christine, 48 ans, visiblement un peu dépassée par la question, n'y voit rien à redire : "C'est très bien car je ne maîtrise pas bien tout ça et je me sens relativement démunie." Sa copine Carole, 47 ans, acquiesce : "Nous on n'est même pas sur Facebook. Et puis on a beau dire. Souvent, quand c'est pas les parents, ça passe mieux."