exercice obligé pour les personnalités politiques, ils revêtent ces temps-ci un caractère exceptionnel. Martine Aubry a profité des siens, jeudi 15 janvier à Lille, pour livrer son analyse sur les attaques terroristes du mercredi 7 au vendredi 9 janvier qui ont endeuillé la France et fait 17 victimes. « Je vous souhaite une bonne année malgré tout », lance Martine Aubry à l’assemblée de journalistes présents. « C’est votre profession qui a été touchée en premier, c’est la liberté d’expression qui était visée », estime-t-elle, rendant également hommage aux trois policiers tués ainsi qu’aux membres de la communauté juive. Et de poursuivre : « Cette liberté d’expression que beaucoup nous envient, vous la représentez, cela vous donne des droits et des responsabilités. »
Présente dans le cortège des personnalités dimanche 11 janvier à Paris, elle y voit une « formidable réaction du peuple Français ». Les effets de l’union nationale se font d’ailleurs ressentir jusqu’à Lille, quand Martine Aubry n’hésite pas à rendre un hommage appuyé au couple exécutif : « Hollande et Valls ont été à la hauteur par leur fermeté et leur professionnalisme. » Le discours prononcé par le premier ministre dans l’Hémicycle le 13 janvier était « le bon, au bon moment », estime-t-elle, saluant sa « fermeté sans faille ».
Mais la maire de Lille est surtout rassurée par le fait que toute mesure d’exception – dans l’esprit d’un « Patriot Act » à la française – soit écartée. Elle note au passage que les mesures contre le terrorisme ont déjà été renforcées depuis 2012 et que l’arsenal législatif est conséquent. Manière de dire à ses camarades, qu’il n’est pas forcément nécessaire de faire de la surenchère. De même sur la justice, elle engage les magistrats à ne pas verser dans l’excès, en matière de condamnation pour apologie du terrorisme : « Notre conception de la justice ce n’est pas l’automatisme des peines, les mesures prises doivent être fermes, mais adaptées à chaque cas. »
La mairie de Lille a, de son côté, mis à pied trois agents vacataires, travaillant dans des écoles, pour n’avoir pas respecté la minute de silence, et l’avoir justifié par des propos non républicains. L’un d’entre eux fait l’objet d’une plainte pour apologie du terrorisme. Mais très vite, le discours de Martine Aubry s’oriente sur l’éducation et le travail de pédagogie qui attend les professeurs. « Il faut qu’on soit capable de comprendre et d’expliquer comment notre société a pu éclater ainsi, répète-t-elle, comme une injonction à l’introspection collective.
Il faut dire aussi que toute la société n’était pas dans la rue et je ne parle pas seulement de la communauté musulmane mais aussi des quartiers populaires. » « Discrimination », « relégation », « humiliation »… La maire de Lille nomme une par une les causes, selon elle, de cette fracture sociétale dans les quartiers : « L’intégration, c’est le respect des règles de la République, mais il faut aussi que la République leur renvoie les mêmes droits et les mêmes devoirs qu’aux autres. »
Le bras droit de François Fillon, Eric Ciotti, a proposé le matin même de retirer leurs allocations aux familles des enfants qui n’ont pas respecté la minute de silence. Martine Aubry préfère la solution de la pédagogie : « Quand des enfants refusent de respecter une minute de silence, il ne faut pas les mettre dehors, il faut expliquer. Et nous, il nous faut comprendre comment ils peuvent considérer les criminels comme des héros, alors que ce sont des fous. »
Si elle estime que Manuel Valls a eu raison de mettre l’accent sur la sécurité dans un premier temps, elle appelle à prendre en compte les facteurs sociaux pour apporter une réponse sur le terrain : « On n’est pas libre quand on n’est pas formé, que l’on n’a pas d’emploi, pas de logement… On passera tous une bonne année si on comprend collectivement que pour défendre la liberté il faut faire plus d’égalité. » En 2015, l’union nationale n’empêchera pas la maire de Lille de faire passer ses messages.