A la vie à la mort. La loi Leonetti sur la fin de vie médicalisée a beau avoir été votée à l’unanimité en 2005, rien n’est réglé. Au point que le président de la République a rouvert le dossier. En juillet, il a nommé le professeur Didier Sicard, ancien président du Comité national d’éthique, «à la tête d’une mission de fin de vie». François Hollande souhaite avoir des moyens de discussion sur des «cas exceptionnels» qui pourraient appeler un «acte médical assumé».
Les uns accusent les autres de vouloir «légaliser» le meurtre ; les autres accusent les uns d’être des idéologues de la vie à tout prix. Et au milieu, le citoyen-patient continue, dans des sondages bien orientés, à se déclarer à 80% pour l’euthanasie. Mais de quelle euthanasie s’agit-il ? Quel rapport y a-t-il entre un jeune, lourdement handicapé, qui ne veut plus vivre et demande qu’on l’aide à mourir, et une personne très âgée qui vient de subir dix chimiothérapies et souhaite s’endormir ? Quel lien avec ces nourrissons nés handicapés et maintenus en vie par la seule médecine ?
La loi de Jean Leonetti a joué à tout prix le consensus. Elle a donné un cadre à l’arrêt de traitement, en obligeant le médecin à suivre l’avis du patient si celui-ci est conscient. Mais c’est au médecin de décider si le malade n’a plus sa tête. En tout état de cause, aucun geste délibérément mortifère n’est possible, même si la loi autorise le recours aux médicaments, qui soulagent la douleur, mais augmentent le risque de la survenue du décès.
Nous sommes face à des patients en fin de vie qui savent qu’ils vont mourir. Certains, par exemple, en sont à leur énième chimiothérapie, ils ont conscience que cela ne sert plus à rien, qu’ils vont mourir dans peu de temps : c’est ce que l’on peut appeler une assistance médicale à mourir. Ce n’est en rien un appel au meurtre ni même l’abandon d’une vulnérabilité.
En face, on nous renvoie la figure impossible, celle de la belle mort. Mais pour qui ? Réussir la mort et la rendre «belle» ou «bonne», ce ne sont que des propos de soignants, pas des propos de malades qui la voient venir. Sans parler des proches qui ne savent plus quoi penser, alors que les idées de suicide, par anticipation des dégradations corporelles finales, gagnent dans la population.
Ne pas mourir trop vite est une condition favorable pour une entrée en Unité de soins palliatifs (USP). Dans le palliativisme, ce qui inquiète c’est que nous sommes parvenus à des situations où l’on se dispense du consentement de la personne ou des proches. Quand il pose problème, le consentement est évité. On dit alors que ce n’est plus une question médicale et on la déplace vers le moral.
Ce sont des pratiques qui résonnent comme une loterie. Le patient veut qu’on l’endorme. On l’endort, mais toutes les vingt-quatre heures, on vient le réveiller pour savoir s’il est toujours d’accord. Est-ce bien humain ?
La mission Sicard traite une question politique majeure et de citoyenneté, une question essentielle qui concerne chacun d’entre nous et qui se traduit en médecine par le respect de la chose consentie et pas plus.