Formellement, tout baigne. Du G8 suggérant de compléter la cure d’austérité imposée au monde depuis 2010 par un volet "développement", à Christine Lagarde, patronne du Fonds monétaire, exhortant les Européens à "faire plus de croissance", en passant par Paul Krugman, prix Nobel d’économie, saluant la révolte "salutaire" des Français et des Grecs contre l’austérité, le monde entier plébiscite sinon la réhabilitation de la croissance du moins la dénonciation d’une austérité sans la croissance.
Mieux, les Européens sont d’accord sur les mesures qui fourniraient du carburant à la fusée-relance : recapitalisation de la Banque européenne d’investissement et réorientation des fonds régionaux européens non utilisés. Selon la Commission, plus de 80 milliards de ces fonds "structurels" qui requièrent une participation de 30% des Etats qui en sont aujourd'hui incapables, pour être débloqués. Ils pourraient être mobilisés sans conditions d’ici à 2014.
Bruxelles fait aussi la promo des "project bonds" - "obligations de projets" - souscrites par de grands investisseurs afin de financer de grands projets dans l’énergie, les télécoms ou les transports à grande vitesse. Last but not least, malgré le feu rouge britannique, l’idée d’une -très - légère taxation des transactions financières progresse.
Reste, bien sûr, les différences d’approche. Mariano Rajoy, David Cameron ou Angela Merkel insistent sur la nécessité de compléter cette relance par des réformes de structure. Et revoilà la vieille "flexibilisation du marché du travail" combinée à "[l']approfondissement du marché unique", élargi aux professions "fermées ". Drapées dans la relance par l’investissement, France et Italie se défendent de leur côté de vouloir une croissance à crédit où la dépense publique creuserait le double déficit (du budget comme du commerce extérieur)... Mais elles sont prêtes à accepter une poussée d’inflation pour ne pas sombrer dans la récession.
Et revoici les "eurobonds" que refuse obstinément Angela Merkel contre toute l’Europe. Emises par la Banque centrale européenne (BCE) et "adossées" à la puissance économique de l’euro zone et non plus au PIB de chaque membre, ces obligations, en mutualisant les dettes souveraines, feraient instantanément baisser les taux auxquels empruntent les états débiteurs. Sur un socle désormais consolidé, l’Europe pourrait alors jeter les fondations d’une croissance de long terme. Au lieu de prétendre soigner l’austérité par la rigueur comme c’est le cas aujourd’hui avec le diktat de l’équilibre budgétaire.
François Hollande va remettre sur la table cette question des eurobonds. Sans eux, la stratégie de croissance risque de rester un songe creux. Saura-t-il faire la synthèse entre les tenants de l’orthodoxie financière et les naufragés de la récession ?